L’essentiel et le superflu

La conférence annuelle des banques centrales de Jackson Hole avait cette année pour thème « les défis de la politique monétaire », mais elle est loin d’avoir épuisé le sujet tant il est scabreux, car des tabous ne peuvent que tomber si l’on veut innover, et c’est encore prématuré. Il faudra pour cela en être réduit aux dernières extrémités.

Les banquiers centraux ont beau les uns après les autres affirmer qu’ils disposent encore de ressources, ils sont bien placés pour savoir qu’ils ne peuvent pas répondre aux attentes. Et que cela ne sert à rien de répéter une fois de plus que c’est aux gouvernements de prendre le relais avec des mesures budgétaires. Donald Trump l’a fait et il ne peut pas recommencer, et les dirigeants européens ont adopté un pacte qui le leur interdit. D’où le défi devant lequel les banques centrales sont placées et qu’elles ne savent pas comment relever.

Christine Lagarde, qui prendra ses fonctions à la tête de la BCE le 1er novembre prochain, tâte déjà le terrain. Répondant à la commission des affaires économiques du Parlement européen, elle se révèle consciente des attentes pressantes auxquelles elle va devoir faire face. Affirmant que la banque centrale dispose encore de marges de manœuvre, elle reconnait qu’elle ne peut cependant pas « relever le potentiel de croissance à plus long terme des pays ». Et que si le point bas en matière de taux directeurs n’a pas été atteint, « il est clair que les taux bas ont des implications pour le secteur bancaire et plus généralement pour la stabilité financière ».

Ceci posé, elle en vient à l’essentiel, ayant appris lors de son passage au FMI que le monde ne tournait plus comme avant et qu’il fallait en tenir compte. « Comme pas mal de temps s’est écoulé depuis le dernier examen stratégique en 2003, il serait bon de tirer les enseignements de la crise financière en ce qui concerne les changements dans l’environnement macroéconomique et le processus inflationniste », propose-t-elle. Sans dévoiler prématurément ses batteries (si elle en a), le sujet étant brulant. Mais l’époque a changé, les banques centrales avaient comme principale mission – si ce n’est unique – de contenir l’inflation, et c’est la déflation qui aujourd’hui s’installe. Les masses de liquidité qu’elles ont déversé dans le système financier n’y ont contre toute attente rien changé. La théorie est prise en défaut. Ce qui peut autoriser à formuler des objectifs de création monétaire hier tabou. Devant l’urgence et l’importance du sujet, il est ainsi question de dégager par ce moyen le financement de la transition écologique.

On ne manquera pas de remarquer que ce serait une échappatoire palliant à la mauvaise allocation des ressources financières, et on aura raison. S’y résolvent ceux qui ne croient pas possible d’y remédier et pensent qu’il ne faut pas faire la fine bouche. Mais ils ne vont pas à l’essentiel.

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