L’armée marque le pas

Avec à sa tête son chef d’État-major, l’armée recule sur des positions qui ne sont pas préparées à l’avance. La réponse au test voulu par Ahmed Gaïd Salah est sans équivoque, les interventions policières n’intimident en rien les algériens, c’est trop tard, c’est raté ! Ou alors il faut s’y prendre en grand, en très grand !

Après avoir lâché Abdelaziz Bouteflika, quel nouveau pas en arrière peut-il effectuer pour garder le contrôle d’une situation qui lui échappe des mains ? Tout en se raccrochant à l’exigence que la transition s’effectue dans le cadre de la Constitution, il a fait à nouveau hier référence à ses articles 7 et 8 qui invoquent de manière vague « le respect de la volonté populaire », et admet que « toutes les perspectives possibles restent ouvertes ».

La démission du président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaiz, une des trois clés du dispositif constitutionnel, a conforté cette ouverture qui continue de cultiver le flou pour n’accorder que le minimum possible quand il n’est plus tenable de continuer à tergiverser. Incarnation d’un « système » proche d’Abdelaziz Bouteflika, c’est le premier des « 3 B » – le trio qu’il forme avec le président par intérim, Abdelkader Bensalah, et le premier ministre, Noureddine Bedoui – qui prend la porte.

Le général a également demandé que la justice accélère le traitement des affaires de corruption et rappelé qu’elle agira « en toute liberté, sans contrainte aucune, sans pressions ni ordres, pour entamer des poursuites judiciaires contre toute la bande impliquée dans les affaires de détournement des fonds publics et d’abus de pouvoir pour s’enrichir illégalement ».

Enfin, il a annoncé avoir donné « des instructions claires et sans équivoques pour la protection des citoyens, notamment lors des marches ». De fait, les manifestations étudiantes du mardi se sont déroulées dans tout le pays sans interventions policières, contrairement à la semaine précédente.

Il n’est pas au bout de ses peines, car non seulement le mouvement de protestation ne faiblit pas mais il s’étend. Une première liste d’une centaine de maires qui refusent d’encadrer les opérations de vote dans le cadre d’un mouvement de désobéissance civile a été rendue publique. Partout, les sorties sur le terrain des ministres qui s’y risquent sous haute protection policière, sont vite écourtées quand elles ne sont pas annulées. Une telle situation n’est pas tenable longtemps. D’une manière ou d’une autre un cadre va devoir être mis sur pied pour assurer la transition, faute duquel l’élection présidentielle ne pourra pas avoir lieu.

Sur le papier, pour sortir de l’impasse, il faudrait que l’armée pour se retirer du jeu dispose de solides garanties qu’elle restera maître chez elle et qu’elle conservera le contrôle des entreprises assurant sa subsistance. C’est le modèle négocié par l’armée brésilienne, lors de la chute de la dictature en 1985, dans un contexte tout à fait différent. Mais qui est en mesure de lui donner ces assurances ?

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