Le rêve des autorités japonaises est d’effacer à terme toute trace de la catastrophe de Fukushima afin que son souvenir n’ait plus de prise et qu’elle soit oubliée. L’objectif qui devra être abandonné reste de démanteler les installations, y compris les coriums dont la localisation même pose encore problème, et de délivrer à la place des installations de la centrale une immense prairie verte de bord de mer.
Le retour de tous les habitants de la région touchés par les ordres d’évacuation d’alors, relogés suivant des moyens de fortune et bénéficiaires d’allocations financières, s’inscrit dans cette volonté politique. En s’appuyant sur cette normalisation progressive, les autorités veulent justifier la relance du parc nucléaire, pour laquelle elles peinent, après avoir obtenu l’accord des gouverneurs des régions qui sont sous la pression d’une opinion publique devenue suspicieuse.
Afin d’y parvenir, le seuil de radioactivité acceptable a été relevé à 20 millisieverts par an – vingt fois celui qui était auparavant en vigueur – après avoir adopté pour la population le taux destiné aux travailleurs du nucléaire, sans distinction pour les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées. Une décision très contestée, car les effets d’une longue exposition à un tel niveau ne sont pas véritablement connus, les recherches ayant prioritairement porté sur les niveaux élevés d’exposition.
En application de ce critère, des zones sont déclarées aptes à être réinvesties par leurs anciens occupants. Mais cela cache une autre tromperie : il est affirmé que la contamination y est de l’ordre de 2 à 3 millisieverts par an, comme dans la zone d’Ōkuma où l’ordre d’évacuation vient d’être levé, mais les mesures de contamination sont prises à un mètre du sol et elles se révèlent nettement plus élevées en dessous. Et la contamination n’est pas répartie de manière homogène.
Les autorités conviennent qu’il faudra prendre quelques précautions mais ne s’appesantissent pas sur le sujet. Elles taisent que les nombreuses zones forestières qui surplombent les agglomérations dans cette zone montagneuse accidentée n’ont pas pu être décontaminées, et que les pluies et les eaux de ruissellement vont inévitablement propager la contamination. Il ne fera pas bon de se promener en dehors des zones habitées.
La population est prise en otage, et les autorités n’ont qu’une seule réponse à tous ceux qui dénoncent sa politique : leurs propos nuisent à l’image de la région. En d’autres termes les agriculteurs, qui n’ont plus de moyens de subsistance depuis que les allocations financières gouvernementales sont coupées, verront leur production dévalorisée une fois revenus au pays comme il leur est proposé avec insistance. Quel cynisme !