Que faut-il retenir, pour juger de l’évolution de la politique européenne allemande, des déclarations d’Angela Merkel à propos de la politique française, ou de celles de Jens Weidmann, le président de la Bundesbank ?
Interrogée à l’issue du Conseil, la première s’est bien gardée de critiquer Emmanuel Macron, « convaincue qu’il va continuer à poursuivre son programme de réformes ». Le second a fait remarquer dans Welt am Sonntag que « le président Macron veut continuer son cours des réformes, c’est une bonne nouvelle », mais « dans l’ensemble, cela devrait être conçu de manière à être conforme aux règles budgétaires européennes convenues d’un commun accord ». Pour ensuite s’étonner du maintien de « points de vue divergents sur le caractère explosif d’une dette publique élevée et donc le sens des règles budgétaires ».
Vis-à-vis de la France et de l’Italie, la chancelière a manifesté une forte dose de ce pragmatisme qui semble faire presque totalement défaut en Allemagne dès lors qu’est abordée la question du respect des règles budgétaires. Mais s’il n’était pas envisageable de tenir les élections européennes au beau milieu d’une crise aiguë, il n’y a aucune chance pour que dans un an la situation budgétaire italienne se soit améliorée. Les mesures phares de la Ligue et du Mouvement des 5 étoiles, rabiotées et repoussées à plus tard dans l’année produiront alors leurs effets en année pleine. Angela Merkel sera-t-elle encore aux commandes, en fin de mandat, ou se sera-t-elle retirée ? Dans les deux cas, une mise à plat de la politique budgétaire européenne est fort peu probable, car il ne s’agira pas de simples accommodements dans le cas de l’Italie. Les autorités européennes vont se trouver placées devant leurs responsabilités, sans pouvoir remettre cette échéance à plus tard.
Un raidissement que le président du Bundestag personnifie est plus vraisemblable, dans un contexte où le gouvernement allemand est tenté de faire cavalier seul pour défendre ses intérêts. Il a déjà commencé en laissant ses industriels de l’automobile aller négocier avec Donald Trump à Washington, empiétant allègrement sur les prérogatives de Margrethe Vestager la Commissaire européenne à la concurrence.
Il faut préparer l’avenir, tel est le message qu’adresse la fédération des grossistes et exportateurs allemands (BGA) au gouvernement. Elle enregistre l’affaiblissement de la croissance des exportations d’année en année, que ses prévisions confirment. Le signal est inquiétant après tant d’années de forte croissance ininterrompues avec lesquelles l’habitude a été prise, d’autant que ni les tensions commerciales internationales actuelles, ni les effets d’un Brexit à venir n’ont encore été ressentis. Afin de redresser le tir en améliorant la productivité des entreprises qu’elle représente, la BGA réclame une baisse de leur taxation sur le mode libéral de Donald Trump ! Une autre version du moins-disant fiscal.
Participant d’un mouvement général, les prévisions de croissance de l’économie allemande sont de partout revues à la baisse. Dans un tel contexte, on ne peut s’attendre qu’à une crispation, à l’image du cours suivi par la politique allemande.
Ah ben oui, le talon d’Achille de l’Allemagne, c’est son excédent commercial…. USA, Grande Bretagne ; avec Trump dans le collimateur, et le risque d’un Brexit sec qui menacerait les milliards d’excédents commerciaux Outre-Manche. La solution est simple : éviter par tous les moyens ce dernier (un bon accord de libre échange de type Canada ou Japon devrait faire l’affaire) ; et effectivement amorcer une baisse des taxations sur les entreprises sur le mode libéral de Trump. Puis on demandera aux autres pays de la zone Euro de poursuivre les « réformes », c’est à dire de s’aligner sur cette politique, au prix de la destruction de leurs propres économies. Bon, entretemps, à force de tirer sur la corde, l’Euro risquera de lâcher…Et l’Allemagne de perdre du même coup son avantage compétitif grâce à la monnaie….