Juncker homme de la dernière chance

Comment assumer politiquement la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni et de l’Italie ? Il n’y avait guère de doute que la question était dans les esprits samedi dernier, à voir la mine des participants au sommet qui avalisait l’accord de départ de la première et les laissait dans l’expectative de la seconde. Quoi qu’il en soit de la conception de l’Europe, de ses défauts et de ses manquements, le rêve d’une génération est déjà durement atteint et cela rejaillit sur tous. Et si l’Italie y jouait en même temps sa partie, il virerait au cauchemar. Alors, pour cette fois, ne tirons pas sur le pianiste !

Jean-Claude Juncker avait joué les utilités en se rendant à Washington pour tempérer les ardeurs de Donald Trump, et en obtenant une suspension de ses projets de taxation des importations européennes. Son dîner à Bruxelles de samedi dernier avec le premier ministre Giuseppe Conte n’a pas renouvelé le genre. Il est apparu comme la dernière chance de débloquer la situation entre une Commission rejetant le projet de budget 2019 de l’Italie et un gouvernement italien se refusant à revenir sur sa copie.

Et cela n’a pas tardé, dès ce matin Pierre Moscovici a qualifié les règles budgétaires qui sont au cœur du sujet de « ni rigides, ni stupides, mais de flexibles ». Il y avait déjà fait une brève allusion, mais en pure perte. Il savait que ce ne serait pas une nouvelle fois le cas. Lundi, Luigi Di Maio était revenu sur la prévision de déficit inférieure à 2,4% adoptée jusqu’à maintenant, qui cessait d’être intangible. Voilà qui donnait du grain à moudre pour 2019, en décalant le démarrage de certains programmes phare comme l’avait évoqué, puis oublié, le président du Conseil. Mais cela ne règlera rien l’année d’après, quand l’impact budgétaire des mesures correspondantes sera en année pleine. Le résultat n’aura plus qu’à être maintenu, le cap des élections européennes passé. Pour y parvenir, la Ligue et le Mouvement des 5 étoiles devront toutefois décider des abandons mutuels auxquels ils devront consentir dans l’immédiat.

Une année aura été gagnée dans un contexte général peu favorable aux tentatives italiennes de relance de l’économie. La faiblesse de la croissance européenne pèse en effet, et la tenue du G20 de Buenos Aires de ce week-end n’annonce a priori rien de bon, les désaccords primant sur les accords. À lire les tweets de Donald Trump, l’escalade des sanctions envers la Chine va se poursuivre. L’augmentation à 25% des taxes douanières déjà décidées sur 200 milliards de produits chinois semble être le principal enjeu, et le président américain ne cache pas ses intentions d’obtenir par ce levier le rapatriement aux États-Unis de la production qui s’est installée en Chine pour réduire ses coûts.

Favorable à la baisse du pétrole et au maintien des taux bas, la vision « Make America Great Again » de Donald Trump va droit au but. Il a déjà obtenu le rapatriement partiel des profits réalisés à l’étranger par les entreprises américaines, en décidant d’une amnistie fiscale conséquente favorisant leur retour.

14 réponses sur “Juncker homme de la dernière chance”

  1. Petite explication de texte pour nos amis étasuniens qui nous liraient : Make America Great Again signifie simplement avoir de bons indicateurs macro-économiques et des marchés et grands groupes fleurissants, pas de donner un travail décent aux chtis pôvres !

    General Motors va réduire le nombre de ses employés de 15 %

    https://www.lemonde.fr/emploi/article/2018/11/26/general-motors-va-reduire-le-nombre-de-ses-employes-de-15_5388920_1698637.html

  2. La période s’annonce morose. Quels arguments de Junker ? Le Brexit : un ni oui ni non… L’Italie, entre deux partis aux philosophies contradictoires. Et que propose l’Allemagne pour l’Europe ? Madame Merkel et des partis affaiblis, avec l’émergence d’un bon vieux parti d’extrême droite : une première en Allemagne après le traumatisme profond de la seconde guerre mondiale. Et la France alors : les derniers épisodes, y compris celui des gilets jaunes, montrent un gouvernement avec Macron à sa tête, de plus en plus controversé. Le temps de la blietzkrieg est passé, et nous allons entrer dans l’ère d’une guerre de tranchées. Quelques déserteurs à l’horizon, et une conjoncture qui s’assombrit. On essaye de sauver les meubles, de faire bonne figure, de faire montre d’assurance et de fermeté, là où au fond le doute s’installe, de facto. Une nouvelle aujourd’hui : le déficit commercial français sous estimé par Bercy de plusieurs milliards, révèle des chiffres abyssaux. Le discours hier de Macron (probablement il aura échangé en off avec Hulot) s’efforce de donner des réponses aux défis écologiques, mais forcément reste limité dans le cadre bruxellois imposé : « discipline » budgétaire et ultra-libéralisme ; même s’il se veut pavé de bonnes intentions, le message n’est plus audible par le grand nombre. Et ceux qui ne parviennent pas à boucler leurs fins de mois, qui ont été obligés de s’habituer à leur découvert bancaire quasi-permanent, où qui s’accrochent à un « bullshit job », parce qu’il ont le sentiment de ne pas avoir le choix ou par peur du chômage, n’ont plus ce temps à écouter ces discours politiques un tantinet trop long.… Dans ce contexte automnal et quelque peu mélancolique, le pavillon européen flotte de plus en plus indifférent dans le lointain….

  3. Ne croyez-vous pas sur ce blog qu’il vaudrait mieux en finir rapidement avec l’euro ultralibéral avant que le pourrissement de la situation n’entraine L’Europe des peuples que nous souhaitons tous vers l’extrême-droite ? L’urgence écologique sera certainement plus difficile à traiter dans un contexte socio-économique austéritaire surtout si celle-ci repose toujours sur les mêmes . Je suis médecin et mes patients gilets jaunes voudraient juste vivre décemment , sans cracher sur les impôts et taxes .

    1. Sans compter que le carcan du très mal nommé Pacte de stabilité et de croissance empêche également toute sortie de l’électronucléaire. La feuille de route présentée par E.Macron prévoit la fermeture de 14 réacteurs d’ici à 2035, autrement dit son « pragmatisme » consiste à laisser la gestion d’une situation qui ne peut qu’empirer -au vu du grand âge de nos centrales-, à ses successeurs.

      Non seulement l’Union européenne, cette antithèse de l’Europe des peuples, ne peut pas être modifiée de l’intérieur, mais encore le PSC porte-t-il en lui la quasi-promesse d’un accident nucléaire majeur.

      1. En cas d’accident nucléaire majeur il faudrait soit continuer à utiliser les autres centrales françaises (ce qui, il me semble, serait particulièrement difficile si le nuage radioactif franchissait la frontière franco-allemande) soit accepter de ne plus disposer que d’environ 25% de l’électricité habituellement utilisée.

        1. En effet, non seulement les réacteurs REP sont la manière la plus dangereuse de faire bouillir de l’eau, mais encore faut-il empêcher l’exploration de toutes solutions alternatives (comme celle des réacteurs à sels fondus qui sont pourtant les premiers réacteurs à avoir fonctionné).

          Ne reste plus dès lors pour échapper au dilemme que vous mentionnez, que de casser le thermomètre afin de légaliser les activités humaines en zone contaminée.

          Lobby électronucléaire et lâcheté politique : le triomphe de la c… e systémique

          https://www.pauljorion.com/blog/2016/10/30/lobby-electronucleaire-et-lachete-politique-le-triomphe-de-la-c-e-systemique-par-roberto-boulant/

  4. @Roberto (28/11 à 12h32) : … » La feuille de route présentée par E.Macron prévoit la fermeture de 14 réacteurs d’ici à 2035, autrement dit son « pragmatisme » consiste à laisser la gestion d’une situation qui ne peut que s’empirer -au vu du grand âge de nos centrales-, à ses successeurs « . …
    Sur ce sujet très sérieux, précisant que la politique socio-économique d’E.Macron est globalement néfaste , par contre, concernant son pragmatisme(sans guillemets dans ce cas, selon moi..), j’ai beaucoup de considération pour l’expert qui s’exprime aussi concisément..par exemple ces (deux fois) dix minutes, ici:
    https://www.youtube.com/watch?v=9tN0Lb_Zd1o (2015)
    https://www.youtube.com/watch?v=lQeO_d0PTEo (2018)

    1. Jean-Marc Jancovici est connu pour penser que les réacteurs REP sont une technologie mature, ce qui est doublement faux comme le prouvent les accidents de Tchernobyl et Fukushima et l’absence de solutions réalistes quant à la gestion des déchets nucléaires de moyennes et longues durées. À ces problèmes de sureté, s’ajoutent les problèmes de sécurité puisque les sites de stockage sont encore plus vulnérables à une attaque terroriste que les bâtiments abritant les réacteurs.

      Il convient également de rappeler qu’un accident nucléaire majeur se poursuit sur des dizaines de milliers d’années, Tchernobyl et Fukushima continuent aujourd’hui à contaminer leur environnement (et dans le cas japonais, ledit environnement est principalement constitué de… l’océan Pacifique !). Pour se donner une idée des échelles de temps que cela induit, c’est comme si nous continuions à subir en 2018 les effets d’un accident nucléaire survenu pendant la préhistoire !

      Outre le fait que nous ne savons plus construire des REP (l’EPR français a vu ses coûts et ses délais exploser, et rien ne dit que la cuve fragilisée par la perte de savoir-faire des fondeurs ne suivra pas le même chemin), la mainmise du lobby électronucléaire français sur les différents gouvernements de la Cinquième empêche que d’autres filières nucléaires comme celles des réacteurs à sels fondus ne soient explorées.

      Enfin, il n’est même pas nécessaire d’être un spécialiste de la métallurgie pour deviner le risques inconsidéré que constitue un quasi doublement du temps d’exploitation originellement prévu par les ingénieurs. Vous prendriez place à bord d’un avion dont on a arbitrairement décidé de doubler les intervalles de remplacement des pièces, où tel constituant devant être remplacé après 600 heures de fonctionnement le sera finalement après 1.200 heures ? Avec la précision qu’une cuve de réacteur étant hautement radioactive, personne ne peut connaitre son état intérieur réel et que nous nous basons sur des estimations et des calculs prospectifs…

      1. Bien conscient de ce que vous écrivez..mais ce qui m’hallucine c’est l’ « individualisme » national de décision(s) dans un contexte où TOUTE activité,économique,citoyenne individuelle et/ou de relation à l’État, etc… dépend de la « fée ».. exemple:
        https://www.rtbf.be/info/economie/detail_centrales-nucleaires-belges-un-risque-de-penurie-par-5-et-peu-de-vent?id=10084278
        Invraisemblable….et pourtant!
        A se demander si cette « prise de risque » (de black-out hivernal) n’est pas préméditée.. de quoi « retourner » certaines opinions?

  5. Pourquoi dénoncer les effets dont on chérit les causes ? Là est bien l’ambiguïté actuelle de nombreux commentateurs experts en tous genres ou simples électeurs. C’était la position de nombre de membres du PS et on voit aujourd’hui où ils en sont. Changer le système de l’intérieur quand on vote les moyens de ne rien pouvoir changer. Jusqu’où maintenir une telle position qui conduit à une morte lente mais assurée ?

  6. Place publique, très belle initiative. Si cela peut créer une agora propice aux échanges, rencontres, débats, promotion des idées et des actions, qui pourraient aller dans le bon sens face aux immenses défis, c’est tant mieux. Et surtout pas dans un esprit de vouloir cannibaliser ou concurrencer les autres. Vu le rouleau compresseur ambiant, l’esprit de démission ou de passivité, le fatalisme….Petit souhait : que cela puisse véritablement aller au-delà d’une certaine forme d’entre soi, d’une certaine segmentation socio-culturelle, et être le plus populaire possible…. Là, c’est pas gagné.

    1. @ Emmanuel,

      Suite à votre post, j’ai été jeter un œil sur leur site et je suis tombé sur le CV de la « porteuse de cause » mise en avant sur le thème Europe :

      « Diana est cheffe d’entreprise, auteure et essayiste. Présidente-fondatrice de l’agence Stroïka, elle a été auparavant responsable de l’écosystème start-up à Microsoft, administratrice civile à Bercy, et porte-parole du collectif Ouishare. Son premier livre, Société Collaborative, la fin des hiérarchies paraît en mai 2015. Elle contribue régulièrement aux magazines généralistes et économiques (Le Monde, les Échos, Alternatives Économiques, la Tribune, Socialter, etc.) ainsi qu’à France Culture.  »

      J’ai idée que pour être « le plus populaire possible » c’est rappé.

  7. Oui, je m’en doutais…. »L’ecosysteme » Microsoft, puis Bercy, puis….Disons que tout n’est pas noir ou blanc, à condition de bien avoir conscience « d’où on parle », et d’être capable de dépasser ce cadre et pas seulement en parole. Sans vouloir trop « toddifier » , mais quand même…

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