L’Europe collée à sa crise

La croissance se fait sérieusement désirer en Europe, à en croire les prévisions automnales de la Commission. Et elle est promise à se ralentir de -0,2% tous les ans. Le recul au troisième trimestre du PIB allemand, après seize trimestres consécutifs de croissance, en est le meilleur symbole.

Les exportations nettes tiraient ces dernières années la croissance de l’Union, mais elles diminuent en raison du ralentissement du commerce mondial. Et la consommation intérieure ne pas prend pas le relais, faute d’une progression du pouvoir d’achat et d’une amélioration significative de l’emploi. Symboliquement aussi, le phénomène des « travailleurs pauvres » prend de l’ampleur. Dans le cas de l’Espagne, dont est tant vantée la croissance, un travailleur sur six vit dans la pauvreté, résultat dans une large mesure du temps partiel imposé.

On ne voit pas comment, sous le double effet de l’austérité budgétaire, qui bride les investissements, et de la baisse du « coût du travail », la dynamique pourrait être inversée. Mais on ne voit pas non plus comment pourrait être débloqué le changement de politique économique européenne.

La réactivation d’un épisode – annoncé et pour l’instant suspendu – de la guerre commerciale engagée par Donald Trump est source d’inquiétudes supplémentaires. Pour la commissaire Cecilia Malmström qui reste dans l’attente, le flou est total. Les autorités européennes souhaitent engager des négociations mais font le pied de grue depuis la visite de Jean-Claude Juncker à Washington. Craignant de prochains diktats.

Un autre vent mauvais est attendu d’outre-Atlantique. Les largesses budgétaires du président américain, accompagnées du resserrement monétaire de la Fed, sont lourdes de conséquences financières déstabilisatrices mondiales. La hausse des taux qui va en résulter ne va pas être spécialement favorable à un rebond de la croissance.

Son ralentissement progressif pour l’Union met en cause une stratégie qui prétendait au contraire la favoriser par des réformes structurelles ultra-libérales, croyant le moment propice pour l’imposer. Il faut être patient si cela prend du temps, entend-on dire depuis. Mais combien de temps ce discours pourra-t-il être tenu dans le contexte politique actuel ?

L’Allemagne qui verrouille tout connait à son tour une crise politique profonde et entre dans une phase de contraction économique. Les avis divergent sur sa durée, les plus optimistes comme Jens Weidmann de la Bundesbank considérant provisoire le tassement des exportations de l’industrie automobile. C’est faire peu de cas des facteurs qui le suscite aux États-Unis, dans les pays « émergents » et sur le marché européen, et qui peuvent s’accentuer au gré de fortes turbulences du commerce international si Donald Trump y met du sien. Le mois dernier, l’association des Chambres de commerce et d’industrie allemandes (DIHK) a dans l’immédiat ramené sa projection de croissance 2018 de 2,2% à 1,8% et prévoit un ralentissement à 1,7% en 2019.

Au plan politique, la situation est plus incertaine qu’initialement présentée. La candidature à la succession d’Angela Merkel d’Annegret Kramp-Karrenbauer, la secrétaire générale de la CDU, devance désormais largement celle de Friedrich Merz tant dans l’opinion qu’au sein du parti selon les sondages. Jens Spahn, le troisième candidat déclaré est déjà hors concours. Annegret Kramp-Karrenbauer défend une ligne de centre-droit proche de celle d’Angela Merkel. Bien que les écarts en sa faveur par rapport à Friedrich Merz soient marqués – 11% dans l’opinion et 15% dans la CDU – tout peut encore changer. Mais il faut également prendre en considération le score des partis pour disposer d’une image complète : la CDU/CSU occupe la première place à 26%, suivie de près par les Verts à 23%, le SPD et l’AfD étant crédités de 14% des intentions de vote.

On aura noté qu’Angela Merkel et Emmanuel Macron se soutiennent du haut des tribunes, faute de mieux. Mais ni l’une ni l’autre n’ont les moyens de débloquer la situation. Le président français s’exprimera dimanche devant le Bundestag, et un Traité sur la coopération franco-allemande est annoncé pour janvier. Les ambitions déclarées sont dans l’immédiat si modestes qu’elles ne peuvent prétendre changer la donne.

Dernières nouvelles  : La BCE au même pas que la Commission

Empruntant une drôle de formule qui en dit long, Mario Draghi a déclaré ce matin « Il n’y a certainement aucune raison pour que l’expansion de la zone euro cesse brusquement ».

S’il a réaffirmé le calendrier de l’arrêt des achats nets d’actifs de la BCE, il a laissé la porte au maintien des taux très bas au-delà de l’été 2019, si les conditions financières ou de liquidité se resserrent indûment, ou si les perspectives d’inflation se détériorent en zone euro.

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