La succession d’Angela Merkel est ouverte depuis qu’elle a annoncé que son mandat sera le dernier. Elle a préféré prendre les devants et préparé son retrait de la politique après 13 années d’exercice du pouvoir, sans toutefois avoir la garantie de rester en poste jusqu’en 2021. Aucun des deux partis de la Grande coalition, le CDU et le SPD, n’a intérêt à précipiter une crise au risque d’être conduit devant les électeurs. Mais les turbulences en son sein, qui ne vont pas cesser pour autant, sont porteuses de sérieux impondérables.
Le prochain épisode est en décembre, avec le renouvellement de la présidence du CDU. Derrière les affrontements de personnes, dont l’issue est imprévisible, une inflexion de la politique européenne allemande peut-elle être attendue ? La personnalité des deux principaux candidats à la succession d’Angela Merkel ne laisse pas grande illusion à cet égard. « Germany First » pourrait être leur futur slogan, dans un contexte où le modèle économique allemand qui repose sur les exportations pourrait subir le contrecoup des mesures de taxation américaines.
Les deux principaux candidats à la succession identifiés chez les conservateurs, Friedrich Merz et Jens Spahn, sont tous deux ordolibéraux, on s’en serait douté, et proches d’un FDP très éloigné de ses positions pan-européennes d’origine. Le premier est réputé plus proche des milieux d’affaires, le second pourrait être l’homme d’une plus grande crispation. Afin de ne pas trancher, il resterait la secrétaire générale Annegret Kramp-Karrenbauer, proche d’Angela Merkel.
Après le temps des louanges vient maintenant celui des critiques. La pratique de la chancelière – toujours à la recherche de compromis sauf en deux occasions, l’arrêt de l’électro-nucléaire et l’ouverture des frontières aux réfugiés – ne lui a jamais permis de définir une autre politique qu’à court terme. Mais la gestion d’une future coalition Jamaïque regroupant CDU/CSU, FDP et Verts, si elle voit le jour, rendra difficile l’adoption d’une autre méthode de gouvernement. C’est pourquoi, prenant résolument les devants, Wolfgang Schäuble a lancé l’idée d’un gouvernement minoritaire. On devine sur quelle ligne il le verrait…
Cela renvoie à une autre question : déjà atteinte par le départ du Royaume-Uni, la Commission entrant en crise avec le gouvernement italien, l’Union européenne est-elle viable si elle continue sur sa lancée, largement paralysée ? Les autorités européennes ne peuvent pas se prévaloir d’un succès avec leur politique de strict encadrement budgétaire et repoussent le moment des résultats avec une croissance en zone euro 0,2% au troisième trimestre de cette année. Elles sont par ailleurs incapables de définir une alternative à leur politique de réduction de l’endettement public et privé et de stopper la progression des inégalités, qu’elles préfèrent ignorer. Et qui peut croire que l’extrême-droite appelée en renfort par des électeurs désabusés sera d’un grand recours ?
Il se répand dans la société que l’on appelle civile – pour la distinguer de la sphère contrôlée par l’État – des aspirations profondes à tout simplement vivre mieux au quotidien. Elles reposent sur une prise de conscience accrue des méfaits du système capitaliste, mais elles n’empruntent pas les chemins traditionnels de la politique pour y parvenir. Signe du temps qui va être nécessaire pour qu’elles puissent s’imposer, si elles y parviennent.
Nous sommes loin du propos de départ !