Un cessez-le-feu durable ?

La mission de Jean-Claude Juncker à Washington a abouti à un cessez-le-feu dont ni la durée ni l’issue ne peuvent être prédites lorsqu’il faudra mettre en musique l’accord intervenu. Selon celui-ci, des négociations visant à progressivement supprimer les droits de douane, sauf pour les voitures, devraient être engagées et Donald Trump « réfléchirait » aux droits sur l’acier et l’aluminium qui sont déjà en vigueur, sans toutefois les supprimer.

De manière mesurée, Berlin a jugé « constructif » le résultat de la mission de Jean-Claude Juncker, qui s’est inscrit dans la stratégie de négociation préconisée par l’Allemagne. Cette prudence s’explique devant les réticences des industriels allemands qui attendent des actes et ne veulent pas se contenter de paroles. Ainsi qu’à l’opposition de Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances français, « à tout accord commercial global ». Il a annoncé demander « des éclaircissements » dans l’intention manifeste de protéger l’agriculture et d’éviter que les normes sanitaires, alimentaires et environnementales soient mises en cause. Ce que Donald Trump n’était pas encore parvenu à faire, les autorités allemandes et françaises s’y opposant ouvertement, auxquelles Jean-Claude Juncker a apporté son soutien.

Le président de la Commission est venu avec des douceurs à Washington, la promesse d’achats immédiats de soja, afin de contrebalancer auprès des agriculteurs américains la diminution des achats chinois, ainsi que l’accroissement des importations de gaz naturel liquide, qui vise la Russie. Enfin, il a proposé et obtenu qu’une position commune des États-Unis et de l’Europe soit dégagée à propos de la réforme de l’OMC, qui visera en particulier les pratiques chinoises. « Nous allons travailler étroitement ensemble avec des partenaires partageant nos idées pour réformer l’OMC et s’attaquer au problème de pratiques commerciales déloyales incluant le vol de la propriété intellectuelle, le transfert forcé de technologies, les subventions industrielles, les distorsions créées par les entreprises d’État et la surcapacité », a déclaré le président américain.

Un cessez-le-feu ne se pratiquant qu’entre ennemis, et non entre alliés, la question est de savoir s’il est durable, d’autant que le gouvernement français complique le jeu. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que Donald Trump ferait volte-face. Et bien des pièges vont apparaître côté européen quand il va être entré dans le vif du sujet des baisses des taxes douanières. Les polémiques à propos du projet de traité de libre-échange transatlantique (TTIP) sont présentes dans toutes les mémoires.

En attendant, quelle mouche a bien pu piquer Donald Trump pour qu’il souscrive si soudainement à cet accord cadre ? L’annonce que les résultats de l’industrie automobile américaine seraient moins bons que prévu suite à l’augmentation du prix de l’acier et de l’aluminium n’y est peut-être pas étranger. De même que l’apparition d’un malaise chez les producteurs de soja, à qui il a dû octroyer une subvention de 12 milliards de dollars pour compenser la baisse de leurs revenus. Enfin, la mise en cause de sa guerre commerciale en raison des conséquences négatives qu’elle aurait sur l’économie américaine prend de plus en plus d’ampleur dans les milieux industriels et au Congrès.

Le président américain, sévèrement mis en cause en raison de l’ambiguïté de ses rapports avec Vladimir Poutine et la Russie, avait besoin d’un succès. Le report de la visite du dirigeant russe à Washington ne suffisant pas au déminage entrepris, pas plus que l’adoption d’une « déclaration sur la Crimée » réaffirmant le refus de reconnaitre l’annexion par la Russie de la péninsule ukrainienne. Enfin, Donald Trump a peut-être mieux mesuré l’impact de sa croisade sur les résultats des candidats américains aux élections de novembre.

4 réponses sur “Un cessez-le-feu durable ?”

  1. Intéressant d’entendre quelques données économiques concrètes sur la politique menée par Trump : résultat de l’industrie automobile « moins bon », compte tenu de l’augmentation du prix de l’acier et de l’aluminium, 12 milliards de subvention au producteurs de soja… à creuser. Peut-être faut-il considérer le cessez-le-feu en rapport avec les US par les deux promesses pour des débouchés de l’agriculture américaine et du gaz liquide en direction de l’Europe. Sur le premier volet, rien de réjouissant pour la France…. »Achetez-nous et ça ira mieux entre nous ».

  2. Ce «cessez le feu» est en réalité une victoire de Trump, devant qui Juncker, sur ordre de Berlin inquiet de ses exportations automobiles aux États-Unis, a baissé culotte.

    Reste à savoir si cet «accord», que le président de la Commission européenne n’avait aucune autorité à signer, tiendra. Il semble que Macron, il faut lui rendre cette justice, ait une autre idée d’une négociation commerciale que de simplement tendre les verges pour se faire battre. Et la France peut sans doute à elle seule bloquer les promesses de M. Juncker au président américain.

    http://www.liberation.fr/planete/2018/07/26/jean-claude-juncker-un-president-plus-allemand-qu-europeen_1669055

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