Par Roberto Boulant
Conséquence logique d’une société clivée à l’extrême par les inégalités et un basculement démographique qui voit la population blanche reculer inexorablement (un nouveau-né sur deux est « non-blanc » suivant la terminologie raciale), on savait déjà que Donald Trump n’était pas vraiment le 45ème président des États-Unis, mais plutôt le 1er président de son seul électorat. Quitte à faire de la recherche systématique des tensions internes et externes, sa principale méthode de gouvernement pour se maintenir.
Voilà maintenant que ce sont carrément des pans entiers du pays qui veulent faire sécession ! Dupliquant au niveau territorial ce que les gated communities font déjà au niveau local : protéger les riches en rejetant les pauvres au dehors.
Sur le modèle des votations suisses, les californiens ont déposés suffisamment de signatures pour que soit soumise au vote une initiative prévoyant la partition de la Californie en trois états distincts. Ce qui si elle était adoptée, verrait la Fédération passer de 50 à 52 états (les nouveaux États étant provisoirement baptisés Californie du Nord et du Sud, le comté de Los Angeles avec quelques comtés voisins gardant le nom de Californie).
Tim Draper, l’homme à la manœuvre, possède de nombreux points communs avec Donald Trump, dont celui d’être un riche héritier, de produire des programmes TV, et d’avoir écrit un livre (lui-même ?) sobrement intitulé How to Be the Startup Hero. Or donc, notre milliardaire entend bien libérer ses collègues de l’infâme dictature californienne où une majorité de la populace vote Démocrate et se préoccupe de choses aussi frivoles que la solidarité ou l’écologie. Bref, chacun chez soi, les pauvres avec les pauvres, les riches avec les (très) riches, et les milliards seront bien gardés.
Bien sûr, chaqu’un des nouveaux États ayant son propre gouvernement, ses propres lois et son propre budget, on imagine sans peine les problèmes insolubles qui se poseront alors. De l’entretien d’un réseau routier et autoroutier en piteux état, de la nécessité de développer des transports publics de qualité sur des grands axes congestionnés, à l’absolue nécessité de développer un réseau d’aqueducs pour faire face à un stress hydrique de plus en plus marqué, tout cela et bien d’autres problèmes encore verraient leur résolution ralentie, voire stoppée, par d’interminables palabres. Les égoïsmes locaux, la disproportion des budgets et le maquis kafkaïen de lois différentes suivant les États, donnant le coup de grâce à tout espoir de concertation rapide.
Inutile de préciser bien sûr que cette régression, au doux parfum de guerre civile, est promue par ses défenseurs dans la plus stricte orthodoxie de la novlangue : une occasion à saisir – avec pragmatisme – pour libérer les forces de la créativité, devenir plus efficaces et compétitifs, et combattre ainsi les gâchis d’argent public et autres dépenses inutiles liés au cancer de l’assistanat (celui, et c’est bien connu, qui rend les pauvres fainéants et improductifs).
Prochaine étape, le vote des californiens en novembre. Et dans le cas où le Oui l’emporterait, ce sera ensuite au Congrès de se prononcer. Une hypothèse qui aurait été jugée passablement absurde il y a quelque temps, mais qui dans l’effondrement de l’ordre actuel ne peut plus être écartée…
On attend que la Catalogne demande à bénéficier de la 53 ème étoile étatsunienne .
Les Etats-Unis d’Amérique n’ont cessé d’apporter avec arrogance le chaos, la guerre, l’aplatissement culturel et leur vision égoïste de la loi du plus fort au monde entier depuis qu’ils ont brutalement imposé leur diktat économico-militaire.
Juste retour des choses si jamais ce pays devait se disloquer
Arrogance, chaos, guerre, aplatissement culturel et vision égoïste de la loi du plus fort : il me semble que depuis l’empire romain (voire avant) la liste des pays auxquels cela s’applique est fort longue. Non?
Chaque chose en son temps et un à la fois.
Carthage, Rome, Britt, IIIème Reich, c’est fini.
L’actuel, on connaît et c’est en cours.
Le prochain, Chine ?
Il manque dans cette liste les pays qui comme la France ont asservi un grand nombre de peuples de tous les continents à l’époque des empires coloniaux!
Plus qu’un seul grand pays, c’est l’espace monde qui se contracte.
Après trente ans d’ouvertures portées par la mondialisation, le libéralisme entrevoit sa fin prochaine et l’on est sans doute en ces temps présents où la tendance s’inverse pour aller vers des mouvements de repli et de protection. Cette mécanique à l’oeuvre ne peut que s’accélérer sous la poussée du dérèglement climatique et son cortège de surprises.
Merci Roberto d’attirer notre attention sur ce référendum qui est un symptôme de la décomposition en cours. Avec ton talent habituel.
Encore un excellent « décodage » !
Merci à vous deux, François et Roberto !
Ce soir j’écoutais le JT de France 2 d’une oreille distraite et visiblement le réchauffement climatique n’est pas près de s’arranger.
https://www.france.tv/france-2/journal-20h00/524729-edition-du-jeudi-14-juin-2018.html
A partir de 29 minutes et 30 secondes.
1°) Le néo-capitalisme est idéologiquement sans-frontièriste. Seule compte pour lui la totale libre circulation des biens services et humains à travers un marché unifié. Le morcellement des Etats favorise leur future dissolution : plus un Etat est petit, moins il est susceptible de s’opposer au déferlement des grandes compagnies.
2°) Les « libéraux » se révèlent ne tolèrer la démocratie que quand elle va dans leur sens. Attaquer Trump, remettre en cause sa légitimité, le menacer d’empêchement ou de sécession, attiser une hystérie politique permanente, c’est pour eux le meilleur moyen de ne pas se demander pourquoi leur candidate n’a pas été élue. Elle avait tout pour elle : le nom, le fric, la presse, les groupes de pressions, les lobbies, l’administration, le show-bizz. Juste, son programme a semblé à bon nombre d’électeurs encore plus effrayant que l’épouvantail qui lui faisait face…