Billet invité.
Sur le site de la centrale, l’extraction des 1.533 assemblages de combustible de la piscine n°4 se poursuit très précautionneusement, comme s’il s’agissait des baguettes d’un jeu de mikado instable et susceptible de s’écouler. Aucun incident n’est signalé, mais les ouvriers qui effectuent le travail touchent le salaire d’une peur destinée à durer toute l’année qui vient.
Le chantier ne cesse de faire parler de lui, ce qui n’est pas le cas des trois coriums évadés de leurs cuves après les avoir percées pour se répandre dans les sous-sols des réacteurs, dont on ne sait ni où ils se trouvent exactement, ni quand leur extraction annoncée pourra commencer, ni comment elle finira. Beaucoup d’interrogations pour un sujet tabou, car l’impasse n’est pas uniquement technologique. Elle est aussi financière.
La compagnie Tepco est maintenue en vie par le gouvernement, qui y a déjà injecté l’équivalent de milliards d’euros tout en se refusant à la privatiser et ne disposant en contrepartie que d’actions sans droit de vote. Les banques et les investisseurs ont en ce qui les concerne besoin de visibilité pour ne pas financer la poursuite de son activité à fonds perdus. Afin de disposer d’un bilan plus présentable, une fois appliquées de nouvelles règles comptables permettant d’étaler ses pertes sur dix ans, de nombreux actifs vendus et les salaires des employés baissés, un plan de restructuration de Tepco va être communiqué le mois prochain au gouvernement, qui a tout du donnant-donnant : « permettez-moi de redémarrer quatre des sept tranches de la centrale de Kashiwazaki-Kariwa afin d’améliorer mon compte d’exploitation et vous permet de sauver la face ! ». Car le pire pour le gouvernement serait de se retrouver en première ligne devant une tâche impossible à mener mais dont la fiction doit être préservée.
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