Billet invité.
Il y a de la duplicité dans l’air ! Avec son discours fondateur sur la politique à mener en direction des migrants, Emmanuel Macron a tenté de se donner le beau rôle jeudi dernier. Comme s’il avait endossé le rôle du bon flic, par opposition au méchant joué par son ministre de l’intérieur Gérard Collomb dont il ne réfrène cependant aucunement les ardeurs policières.
Le ministre s’emploie à refouler les réfugiés qui tentent de pénétrer en France venant d’Italie, à poursuivre ceux qui les aident, à en expulser d’autres, et à violemment empêcher la concentration à Calais de ceux qui cherchent à rejoindre le Royaume Uni en les laissant volontairement démunis. Et le premier ministre Édouard Philippe a présenté un plan prioritairement axé sur les reconduites au frontières et dans les pays d’origine.
Vient le président français qui promet maintenant que pas un réfugié ne sera laissé à la rue d’ici la fin de l’année, dans l’intention de donner un bel emballage à des pratiques par trop détestables. Mais il associe l’hébergement des personnes au durcissement de la politique d’expulsion, se fondant sur une distinction entre réfugiés et migrants économiques qui élude les motifs de leur exil, car la persécution à un titre ou à un autre n’est jamais loin dans leur motivation. Venir d’un pays en guerre n’est pas le seul critère justifiant l’asile. Au nom de cette distinction sommaire, un refus de l’asile pour la très grande majorité des réfugiés est implicitement adopté, car les réfugiés subsahéliens parvenus en Libye proviennent de pays dont le statut est imprécis, ne figurant pas sur les listes officielles. [P.J. : ce point a été développé ici sur le blog par Madeleine Théodore, il y a quinze jours : Nous sommes tous, ou nous serons tous, des réfugiés économiques.]
S’agissant des motifs du départ, une étude du réseau Reach portant sur 720 des 12.000 mineurs africains parvenus seuls en Italie au premier semestre de cette année, presque tous des garçons de 16 à 17 ans, bouleverse les idées reçues. Il apparait qu’ils ont pris leur décision seuls, indépendamment de leur famille, et dans sept cas sur dix leur départ est dû à des violences, des conflits ou des exploitations le plus souvent survenus « à la maison ». Les adolescents guinéens mentionnent pour leur part « des persécutions politiques ou religieuses ». Chez les filles, deux sur cinq craignent un mariage forcé a fait savoir l’Unicef.
Autre volet de la politique présidentielle, le tri entre les réfugiés devrait être effectué dans des « hot spots » créés en Libye, au prétexte hypocrite d’éviter l’épreuve de la traversée de la Méditerranée à ceux qui seront de toute façon recalés. Tentant d’accréditer la perspective d’une prochaine normalisation de la situation interne en Libye, l’accord entre les chefs des deux factions qui se disputent le pouvoir pour des élections à une date non précisée – qu’ils se sont refusés à signer – ne la préfigurant pourtant que fort modestement.
Les hot spots devraient être établis dans un pays qui n’a pas signé la Convention de Genève sur les réfugiés, ni aucun traité de protection des droits humains, et où les réfugiés subissent les pires traitements en raison du racisme anti-noir qui y prévaut. Reconnaissant être sur ce sujet isolé en Europe, Emmanuel Macron s’est déclaré prêt à envoyer des missions de l’Ofpra – l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides – en Italie et en Libye, et même au Niger.
Le président français croit-il pouvoir se dédouaner de la politique répressive qu’il soutient ? Dans ce domaine comme dans les autres, il est rattrapé par les faits. Même dans un régime de monarchie républicaine la force des mots est limitée.