Billet invité.
En matière de politique européenne, Emmanuel Macron joue petit et Matteo Renzi joue gros. Et cela ne s’accorde pas, minorant la main du premier. En Italie, les trois partis qui se partagent l’électorat – le Parti démocrate, le Mouvement des 5 étoiles et Forza Italia (ainsi que ses alliés) – sont désormais tous sur la même longueur d’onde, prenant leurs libertés avec les contraintes budgétaires européennes.
Dans le cadre du retour au pouvoir qui l’anime, Matteo Renzi a clarifié sa politique, ne pouvant plus compter à l’avenir sur de nouveaux degrés de flexibilité de la discipline budgétaire qu’il a tous épuisés. Il prétend désormais ne respecter qu’un seul critère budgétaire, celui du seuil de 3% du PIB de déficit budgétaire des « critères de convergence » de Maastricht, et abandonner les dispositions du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) adopté en 2012. Et pour cause, ce seuil est déjà atteint et s’en tenir là permettrait de dégager une trentaine de milliards d’euros qui pourraient être consacrés à la relance.
Les atteintes italiennes aux règles de conduite européennes vont-elles s’arrêter là ? Paolo Gentiloni, le premier ministre membre du Parti démocrate, souhaite en finir une fois pour toute avec la crise que traverse le système bancaire du pays afin de ne pas continuer sur le mode improvisé et non reproductible à l’envi qui a jusqu’à maintenant prévalu. Vu le stock de prêts non performants (NPL) restant, la seule solution consiste à créer une bad bank pour en soulager les banques, afin qu’elles puissent à nouveau soutenir le tissu des PME du pays. Le hic est qu’une telle mesure est difficilement compatible avec la réglementation européenne en matière d’aide publique, car une telle structure serait inévitablement dépendante de garanties octroyées par l’État.
Additionné aux abandons projetés de Matteo Renzi, cela ferait beaucoup pour les gardiens du Temple germaniques ! On les voit mal, dans de telles circonstances, s’engager sur la voie de la réforme de la gouvernance européenne qui est au cœur de la politique du président français.
Si l’entrée en dissidence de l’Italie se confirmait, comment un assouplissement de la politique européenne serait-il acceptable pour le leadership allemand ? Mais le pire serait sans doute ailleurs, le pays ayant une marge de manœuvre réduite en cas de flambée des taux d’emprunt, en raison de l’ampleur de sa dette. Et l’Italie n’est pas la Grèce, elle pèse dix fois celle-ci en terme de PIB, laissant le Mécanisme de stabilité européen (MES) démuni en raison de la faiblesse relative de ses moyens.
Enfin, le pays appartient à la vilipendée Europe du Sud, marquée par des défauts structurels, et sa croissance à long terme est inférieure à celle de la zone euro. Pour réduire cette discordance, de tout autres leviers de convergence seraient nécessaires que les fonds structurels européens – désormais attribués aux pays de l’Est pour l’essentiel – et les contraintes de réduction du déficit budgétaire associés aux réformes de structure néolibérales. Aucune mise à niveau n’est possible si l’on s’en tient à la politique actuelle qui impose à chacun de s’en sortir par ses propres moyens. Sans mécanismes de transfert internes, l’Europe telle qu’elle a été construite n’est à terme plus viable.
C’est de l’Italie, membre fondateur et troisième puissance économique de la zone euro par le PIB, que le choc va d’une manière ou d’une autre se produire. Sa crise politique ne pourra trouver une accalmie que dans une transgression des règles européennes. Dans l’immédiat, elle est laissée seule accueillir l’exode des réfugiés, tout partage de quelque nature qu’il soit étant devenu impossible au sein d’une Europe où prédomine le chacun pour soi.