Billet invité.
Les commentaires fleurissent suite à la rencontre de Berlin entre Angela Merkel et Emmanuel Macron. Mais si l’on veut aller à l’essentiel et ne pas se laisser impressionner par leur cinéma, cette dernière n’a en réalité rien cédé. Le président français a donné des garanties de bonne conduite, contre lesquelles il a obtenu le principe d’une concertation bilatérale sur une longue liste de desiderata, et la chancelière a annoncé qu’il allait falloir en discuter « calmement » … Voilà le résumé fidèle qui peut en être donné, une fois les petites phrases de circonstance mises de côté…
Cet épisode berlinois monté en épingle a escamoté la publication d’une contribution du gouvernement espagnol au prochain rapport de la Commission sur la gouvernance de la zone euro, qui va lui droit au but. En sept pages denses il réclame des euro-obligations, un budget « contre-cyclique », l’achèvement de l’Union bancaire grâce à la mutualisation du risque, et une assurance chômage commune. Le papier reconnait que la crise financière a révélé de sérieuses failles de la zone euro, puis critique les réponses à court terme qui lui ont été apportés. Afin de rencontrer l’adhésion allemande, il milite pour une réduction du risque grâce à des mesures dissuadant les banques de détenir des titres de la dette de leur propre pays ainsi qu’un renforcement de la discipline fiscale de l’union monétaire. Il s’agit là en réalité avant tout d’une opération de diversion de Mariano Rajoy destinée à la consommation intérieure, il n’empêche cependant, elle témoigne d’une incontestable clairvoyance qui contraste avec la pusillanimité des autres dirigeants européens.
Il pouvait être rêvé, sinon d’une action conjointe, d’une concertation entre les gouvernements espagnol, français et italien à l’occasion de la victoire d’Emmanuel Macron, qui aurait pu en être l’initiateur. Pour le coup, un rapport de force aurait été créé sur la base duquel les autorités allemandes n’auraient pu esquiver le débat sur le changement de politique européenne. Mais l’occasion a été ratée, les protagonistes agissant en ordre dispersé.
Du temps où il était président du conseil, Matteo Renzi avait choisi d’explorer toutes les flexibilités existantes dans les textes avec la complicité de la Commission, afin de sortir des clous budgétaires sans être réprimandé. Toutes les opportunités ayant été utilisées, quelle attitude va-t-elle maintenant être adoptée par le gouvernement italien ? Comment la Commission va-t-elle le prendre ? La France ne parvenant toujours pas à respecter ses objectifs de réduction de son déficit budgétaire, continuant de dépasser le seuil de 3% du PIB, a de son côté une bonne nouvelle. Une fois n’est pas coutume, Wolfgang Schäuble a annoncé faire preuve de mansuétude à son égard et semble laisser à la Commission libre cours pour en faire autant quand le moment sera venu. Il sera alors difficile de ne pas en faire autant pour l’Italie, ce qui fera d’une pierre deux coups si ses bonnes intentions se confirment.
La Grèce est à nouveau au bord du défaut et la question se pose : après tant de longs mois de tractations et de désaccord entre ses créanciers sur l’épineuse question de la dette, la tentation va resurgir de tirer une fois pour toutes un trait et de la laisser quitter la zone euro. Une décision qui, si elle devait être prise, créerait un redoutable précédent dans un climat européen marqué par un rejet grandissant de la monnaie unique, devenue symbole d’une politique elle aussi rejetée.
Cela serait jouer avec le feu, car la situation politique italienne est marquée par une grande incertitude, qui ne pourra être au mieux résorbée qu’en 2018 à l’occasion d’élections que Matteo Renzi n’est pas certain de remporter, cherchant à bâtir une coalition très contestée au sein du parti démocrate avec Silvio Berlusconi. Ce dernier a par ailleurs un autre fer au feu avec les partis de droite. Cette situation est à prendre très au sérieux, car l’Italie n’est pas la Grèce. Si les banques européennes et les investisseurs ont eu le temps de protéger leurs avoirs, comme en témoignent les sorties massives de capitaux enregistrées, les créances allemandes au sein de Target 2 deviendraient irrécouvrables en cas de sortie italienne de l’euro…
Cela donne à réfléchir. L’inflexion de la politique européenne qui est recherchée en pure perte pourrait dans ces conditions devenir une impérieuse nécessité. Si les autorités européennes sont aussi mauvaises à la manœuvre qu’elles l’ont été ces dernières années, cette perspective n’est pas à exclure.