Billet invité.
Première contorsion d’une série qui s’annonce, le communiqué de l’assemblée de printemps du FMI passe à la trappe sa rituelle dénonciation du protectionnisme pour lui substituer une mise garde contre des mesures de « repli économique ». Selon Augustin Carnets, le président du Comité monétaire et financier du FMI, « le mot protectionnisme est ambigu ». Sa dénonciation est en réalité rejetée par l’administration Trump. Avec la nouvelle formulation, les apparences sont sauves et l’unanimité sans gloire prévaut.
Wolfgang Schäuble, qui préside le G20 finance dont une réunion accompagne rituellement cette rencontre du FMI a, dans ce même esprit, prédit que le prochain sommet des chefs d’Etat du G20, en juillet prochain, ne donnerait pas lieu à des confrontations. « Nous ne pouvons nous attaquer aux grands défis de notre temps qu’avec une coordination internationale plus forte (…) et pour cela nous avons besoin des États-Unis ». Le décor est planté.
En vertu de cette politique, que va-t-il devoir être passé aux pertes et profits ? Les premiers pas de la dérégulation financière sont enregistrés, qui vont par capillarité faire école au Royaume-Uni, puis au sein de l’Union européenne. Donald Trump a ordonné au Trésor d’examiner sous six mois les dispositions de la loi Dodd-Frank et de faire des recommandations. Stanley Fischer, le vice-président de la Fed, cherche de son côté à limiter les dégâts. Estimant « très dangereux » l’abandon des mesures de régulation financière, il adopte comme ultime ligne de défense le maintien de « certains aspects de la loi Dodd-Frank ». Avec en tête l’obligation pour les banques de fournir des testaments bancaires fournissant le mode d’emploi de leur liquidation ordonnée en cas de difficultés majeures. C’est dire l’optimisme qui s’installe.
Le climat n’étant plus un sujet consensuel, la même prudence est adoptée. Depuis la réunion de mars dernier du G20 finances à Baden Baden, le pli est pris et le réchauffement climatique n’est même plus mentionné dans les communiqués. La menace d’un retrait des États-Unis de l’accord de Paris de 2015 continue de planer, et il ne faut pas provoquer le président élu. Avec la Chine, les États-Unis sont les principaux contributeurs au réchauffement de l’atmosphère, et cela vaut bien de satisfaire aux besoins de la rhétorique de Donald Trump en espérant qu’il en restera aux mots.
La perspective d’une élévation de certaines barrières douanières doit toutefois faire réfléchir aux chances de succès d’une telle politique. Le ministère du Commerce américain a en effet lancé une procédure spéciale visant les importations d’acier aux Etats-Unis, estimant qu’elles pouvaient nuire aux intérêts américains, notamment en matière de défense. Au cas où il déciderait que la situation justifie le recours à l’article 232 du code du commerce, le ministre William Ross pourrait décider d’imposer des droits de douane élevés sur les importations d’acier au terme d’une enquête dont Donald Trump demande qu’elle soit rondement menée. Il a fait de la protection de plusieurs secteurs industriels américains, notamment l’acier et le charbon, une priorité de sa présidence, après avoir affirmé lors sa campagne « que les pays étrangers inondaient les États-Unis d’acier à bas prix, ce qui tue nos sidérurgistes et nos aciéries ».
Lorsque l’on en vient aux grandes organisations internationales issues de Bretton Woods, la Banque Mondiale et le FMI, le changement de politique ne fait pas un pli. L’administration Trump s’est déclarée opposée au projet de d’augmentation du capital de la Banque mondiale dans le but de renforcer ses capacités de prêt, et elle a exhorté le FMI à améliorer sa surveillance des « déséquilibres » économiques. Dans l’esprit de Steven Mnuchin, le secrétaire au Trésor, cette dernière mission « doit inclure une analyse solide de la politique de taux de change des pays et des déséquilibres extérieurs », la Chine restant l’éternel coupable. Sur le fond, le multilatéralisme appartient au passé et tout ce qui s’y rattache devient accessoire.
N’ayant pas d’autre ressource, les dirigeants font le dos rond, laissant à Donald Trump le bénéfice de l’initiative. Avec comme seul espoir que le réalisme finira par l’emporter et que tout cela n’est qu’un mauvais moment à passer. C’est sous-estimer la profondeur du dérèglement dont l’élection de Donald Trump a été la conséquence et croire qu’il ne s’agit de sa part qu’inexpérience et caprices.
Si la puissance militaire américaine peut permettre de dangereuses rodomontades en Mer de Chine, le pays est miné de l’intérieur par une crise sociale larvée qui attaque les classes moyennes, cette assise de la société américaine. D’où la réaction que nous connaissons.
Le niveau atteint par les prêts étudiants en est une des illustrations. En dix ans, leur volume a augmenté de 170 % pour dépasser celui du crédit automobile ou des cartes de crédit. 44 millions d’Américains ont contracté un prêt étudiant – dont la moyenne est de 34.000 dollars, en progression de 70 % en dix ans – dont huit millions sont en défaut de remboursement. Signe qui ne trompe pas de la précarité de ce dispositif, 90 % des prêts étudiants actuels sont désormais garantis sur fonds publics…