Billet invité.
Des sujets hier évoqués du bout des lèvres sont désormais traités sur la place publique. Place aux débats sur la monnaie unique et le désendettement ! Et le 60 ème anniversaire du Traité de Rome, le 25 mars prochain, va faire couler beaucoup d’encre pour tenter de masquer la profonde impasse dans laquelle se trouve la construction européenne. En attendant, qui l’aurait-cru ? les marchés se protègent d’une éventuelle victoire de Marine le Pen aux élections françaises…
Jean-Claude Juncker va présenter un catalogue de cinq scénarios, mettant l’accent sur une Europe « à plusieurs vitesses » qui regroupera les pays décidés à en constituer le noyau dur, s’ils y parviennent, tout en permettant aux autres de participer à une union à la carte. Comment le débat sur le Brexit, qui à quelques mois près aurait pu être évité, et n’est pas encore officiellement engagé, trouvera sa place dans ce schéma est une complication de plus…
La marche arrière va être enclenchée, car les plus fervents des Européens comprennent maintenant qu’ils se sont mal engagés et qu’une retraite stratégique est inévitable. Le chemin a certes été déjà emprunté – 19 pays sur 28 font aujourd’hui partie de la zone euro et 22 de Schengen – mais où va-t-il dorénavant mener ? Daté, le terme n’est plus emprunté, mais les coopérations renforcées ont des beaux jours devant elles.
Parions que va être réservé le meilleur accueil à un projet dont le flou est la première qualité. Il présage pourtant de batailles au couteau, notamment quand il faudra décider du partage de la manne financière réduite avec le départ du Royaume-Uni. Elles pourront rebondir, suivant un scénario fait de rencontres et de sommets à la chaîne, un indéniable savoir-faire ayant été accumulé dans ce domaine.
Qu’il s’agisse de la constitution du centre ou des cercles périphériques de cette future Europe, tout est à définir. Ne prévoir aucune modification des traités existants est-il possible, comme Jean-Claude Juncker le propose prudemment ? Dans quelles conditions et pour suivre quelle politique le futur noyau dur destiné à poursuivre l’intégration économique et politique pourra-t-il être constitué, dans le contexte post-électoral de demain ? Les problèmes rencontrés aujourd’hui n’auront pas disparu. Seule nouveauté, les élections seront passées par là, mais que peut-on en attendre ?
La tentation d’une sortie de l’euro gagne du terrain en Italie. Chargée de tous les péchés, la monnaie unique cristallise les énergies, de la même manière que l’appartenance à l’Union européenne l’a fait au Royaume-Uni. Car c’est en son nom qu’est imposée la politique de désendettement et de déflation interne.
En France, le candidat socialiste envisage une réduction de dette sacrilège et propose une stratégie tentant de s’insérer dans le débat européen qui va s’ouvrir. De son côté, le leader des Insoumis considère que l’Union européenne est irréformable et que rupture doit être consommée. Elle semble l’être également entre eux.
Le débat aurait mérité d’avoir lieu avant d’être tranché !