Billet invité.
Qui l’aurait prédit il y a encore quelques jours, les élections législatives allemandes de septembre prochain ne sont plus synonymes de quatrième mandat garanti pour Angela Merkel ! Bénéficiant d’une soudaine et puissante percée dans les sondages, un SPD désormais dirigé par Martin Schulz a ouvert le jeu politique, plaçant désormais la chancelière sur la défensive. Le nouveau secrétaire général peut aujourd’hui prétendre lui succéder au sein d’une nouvelle grande coalition qu’il dominerait, si les sondages le confirment.
Même l’Allemagne est atteinte par la crise politique européenne. Mais à quoi celle-ci peut-elle aboutir ? Martin Schulz ne s’est pas encore beaucoup exprimé, mais son simple retour en Allemagne a suffi, comme s’il répondait à une attente qui avait trouvé l’occasion de se manifester. Le si solide modèle économique allemand serait-il menacé ? À court terme par les interventions de Donald Trump entravant les exportations allemandes, et à long terme par la profonde reconfiguration de la production des biens et des services qui s’est engagée. Les temps sont troublés et les situations acquises fragiles ! Un plan de relance et des mesures de mutualisation pour le financer peuvent-ils être attendus ?
Critiqué en raison des conséquences sur l’euro de ses programmes non conventionnels, Mario Draghi ne peut revenir sur ses achats de titres, sauf à mettre en cause la stabilité des pays les plus faibles de la zone euro, et par voie de conséquence la monnaie unique. De même, une remontée des taux de la BCE atteindrait les systèmes bancaires les plus fragiles qui restent sous perfusion. La BCE continue de jouer un rôle décisif dans le maintien de la zone euro, et ceux qui voudraient la voir évoluer ne mesurent pas les conséquences qu’aurait l’arrêt de ses programmes. Mais il y a des limites à son action stabilisatrice. Si la BCE a élargi aux États son rôle de dernier recours du système bancaire, elle n’est d’aucun secours en matière de crise politique, n’ayant cessé d’expliquer qu’elle ne pouvait pas tout faire. Et là, cela part dans tous les sens.
Où va l’Europe, dans ces conditions ? Les discours étant vagues partant dans tous les sens, le sort du 3ème plan de sauvetage de la Grèce est plus symptomatique, pour s’en tenir aux faits. La suspension d’un de ses versements peut entraîner en juillet prochain un défaut de remboursement, si ses créanciers aux positions aujourd’hui irréductibles ne parviennent pas à s’entendre. Or, une large majorité du conseil d’administration du FMI d’hier a entendu le rapport qui avait fuité, dont les conclusions concernant une dette pas viable éloignent son intervention. Yanis Varoufakis a saisi l’occasion pour réaffirmer l’urgence de se préparer à adopter en Grèce un système de paiement parallèle et à restructurer unilatéralement les prêts accordés par la BCE.
Mais, quoi qu’il arrive, le « pacte de stabilité et de croissance » restera intouchable. Cela ne va pas être le cas de la régulation financière, le Congrès républicain entamant son démantèlement pour fêter le 10ème anniversaire du déclenchement de la crise financière. Mario Draghi en défend l’utilité, mais quel sens a un système financier mondial régulé sur un bout de planète, dont les deux grands centres sont libres de leurs mouvements ? Dans la même veine, un membre de la Chambre des représentants a donné pour consigne à la Fed d’arrêter tout contact avec les régulateurs internationaux, un signal donné aux banques européennes qui veulent enterrer les mesures dites de « Bâle IV » (*), et à un shadow banking qui a pris entretemps un poids considérable.
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(*) Parmi celles-ci, les méthodes de calcul du risque des banques, largement laissées à leur appréciation, déterminant le montant des fonds propres destinés à absorber les pertes.