Billet invité.
Investi grâce à l’abstention des socialistes, Mariano Rajoy va devoir gouverner avec seulement 137 députés sur 350 aux Cortes. Et parmi ceux-ci figurent ceux de Ciudadanos qui ont conditionné leur soutien à la mise en oeuvre de certaines mesures sociales. Comment, dans ces conditions, pourra-t-il trouver les cinq milliards d’euros d’économies ou de recettes afin d’atteindre l’objectif de 3,1% de déficit fixé par Bruxelles ?
Ayant à se faire pardonner le retour du Parti populaire au pouvoir, avec Podemos sur ses talons, le PSOE va se trouver pris au sein d’une contradiction, ne souhaitant pas faire chuter le gouvernement et affronter une nouvelle consultation électorale, mais devant prendre ses distances avec les mesures d’austérité. Podemos a déjà appelé à manifester devant le Congrès le jour de l’investiture du nouveau gouvernement.
En baisse, les chiffres officiels du chômage sont revenus à 20%, un taux que toutefois seule la Grèce dépasse. Un million d’emplois a certes été créé en 2014 et 2015, mais il s’agit en grande partie d’emplois temporaires et précaires. La baisse du chômage s’explique également par le recul de la population active et l’émigration des jeunes.
Le financement du système des retraites va devoir d’urgence trouver une solution, le vieillissement de la population d’un côté et le taux très faible de participation au travail de l’autre – et donc de cotisation – pesant très fortement. Le fonds de réserve destiné à combler le déficit sera en effet épuisé en 2017. Le décalage de l’âge de départ à la retraite de 65 ans à 67 ans, d’ici 2027, ne peut prétendre répondre aux besoins de financement identifiés.
Dernier volet, la croissance de 2,9% que le gouvernement prévoit pour 2016 a bénéficié de facteurs favorables qui ne vont pas reproduire leurs effets. C’est le cas de la baisse du pétrole et des taux d’intérêt, ainsi que de la dépréciation de l’euro. Non compte tenu de l’effet des mesures gouvernementales destinées à rentrer dans les clous, si toutefois elles sont adoptées.
À chaque gouvernement sa négociation avec Bruxelles. Matteo Renzi lance au nom de l’Italie une contre-attaque en menaçant de ne pas voter le budget communautaire. Faisant référence aux « demandes d’éclaircissement » de la Commission sur son projet de budget 2017, qui vise des dépenses exceptionnelles pour les réfugiés et sont soupçonnées être gonflées, il a répliqué « si l’Union européenne veut baisser les dépenses en Italie liées au migrants, nous les baisserons. Qu’ils ouvrent leurs portes et nous baisserons les dépenses »… À l’occasion d’une autre sortie, il a rappelé que « nous donnons vingt milliards d’euros à l’Europe qui nous en restitue douze, et si la Hongrie, la République Tchèque et la Slovaquie nous font la morale sur les immigrés, alors permettez que l’Italie dise que le mécanisme ne fonctionne plus ».
Pas un jour ne passe sans qu’un nouveau craquement du délitement de l’Europe se fasse entendre. On pourrait dire que silence des plus hautes autorités est assourdissant, mais c’est pire : ils en portent la responsabilité directe et s’en défaussent sur la montée d’un populisme qu’ils ont suscité, cachant mal leur morgue élitiste derrière l’emploi de ce terme.