Billet invité.
Inexorablement, la crise politique européenne s’approfondit. La liste des partis classés à gauche ou au centre gauche atteints par une fracture interne s’allonge : le Labour britannique et le PSOE l’ont initié, le Parti démocrate italien et Syriza les y rejoignent.
Quelle attitude Matteo Renzi va-t-il adopter, s’il perd le 4 novembre prochain son referendum portant sur la réforme constitutionnelle, l’opposition interne à son parti élevant la voix et certains frondeurs appelant désormais à voter non ? Va-t-il ou non démissionner pour se retrouver face au Mouvement des 5 étoiles et à un front anti-Renzi de tous les partis ?
En Grèce, Syriza va-t-il maintenir sa cohésion lors de son congrès de cette semaine, qui va de facto se tenir sur le thème « faut-il gouverner à n’importe quel prix ? », le titre de la contribution signée par 53 de ses députés ainsi que par le ministre des finances Euclid Tsakalotos ? Dans le cas contraire, la chute du gouvernement pourrait en résulter, et de nouvelles élections ramèneraient Nouvelle Démocratie au pouvoir dans un contexte d’abstention massive.
La Grèce va en tout état de cause revenir dans l’actualité, la restructuration de sa dette ne pouvant être définitivement ajournée, la situation de l’économie grecque ne prêtant pas à équivoque. Le FMI prévoit une croissance de 0,1% cette année, très loin des 2,8% requis, qui ne sont pas atteignables. Elle pourrait même se révéler négative. Le pays a fait tapis.
Dans ces conditions, l’en-cours de la dette ne peut pas être diminué. Il faut soit la restructurer, soit prévoir dès maintenant un quatrième plan de sauvetage pour la faire rouler. L’hypothèse d’un compromis reposant sur un simple allégement en jouant sur l’allongement du calendrier de remboursement et la diminution des taux d’intérêt ne fera que retarder le choix inéluctable entre ces deux options.
Le FMI maintient sa pression et réclame que la discussion sur la dette s’engage, en refusant de rejoindre formellement les deux autres composantes de la troïka et d’apporter son écot au plan de sauvetage en cours tant que cela ne sera pas éclairci, et la BCE vient d’entrer à son tour dans la danse pour emporter la décision. Benoît Coeuré, membre du conseil des gouverneurs, s’est aligné sur cette position devant le Parlement européen, déclarant que la banque centrale ne pourra pas continuer d’acheter des obligations grecques si rien ne se fait, ce qui précipiterait sans tarder une nouvelle crise financière du pays.
La Commission, divisée, n’est pas en mesure d’intervenir. Ce qui a conduit 36 députés européens socialistes, verts et de gauche, dont un tiers de français et deux allemands, à appeler dans une lettre ouverte à Pierre Moscovici à « sortir du cercle vicieux de la récession et de la déflation » qui frappe la Grèce, et d’ouvrir des discussions sur l’allégement de la dette. Confronté aux manœuvres dilatoires de Wolfgang Schäuble, qui ont abouti le 10 octobre dernier à un déboursement partiel de la tranche de 2,8 milliards d’euros de soutien financier, le commissaire européen peine à avancer, même appuyé par Jeroen Dijsselbloem. De plus en plus isolé, le gouvernement allemand en vient à accréditer l’idée qu’il est le problème et non pas la solution.
Le calendrier est de plus en plus serré. D’après Euclid Tsakalotos, la date du 7 décembre serait la dernière possible pour conclure le déboursement de cette tranche et engager la discussion sur la dette. Sinon, cette dernière devra selon lui attendre la tenue des élections allemandes de l’automne prochain. Le Bundestag ayant conditionné son accord sur le troisième plan de sauvetage en cours à la participation du FMI à celui-ci, Wolfgang Schäuble devra trouver une solution pour aménager les apparences entre-temps, mais la situation va se tendre à tous points de vue.
Selon François Hollande qui s’exprime dans l’Obs, les sanctions américaines contre la Deutsche Bank procéderaient d’un « excès de pouvoir ». On se frotte les yeux, mais tout est dit. Faute d’une impossible remise en cause, on passera à un moment donné du démantèlement par nature progressif de l’Europe à son implosion.
À plus court terme, un épisode du Brexit va devoir être suivi de près. Theresa May a rendu visite à Mariano Rajoy à Madrid, ce qui n’a pas donné lieu à une rencontre avec les milieux d’affaires, car le sujet était l’Écosse. Pour Mariano Rajoy, l’Écosse devra quitter l’Union européenne, quand bien même elle deviendrait indépendante. Il ne sera pas question de réadmettre l’Écosse dans l’Union européenne si celle-ci devient indépendante, et son soutien est précieux pour Theresa May qui défend l’unité des quatre nations composant le Royaume-Uni. On devine que, dans l’esprit de Mariano Rajoy, c’est la question de la Catalogne qui se joue, car il ne faudrait pas qu’un précédent soit créé dont elle pourrait se prévaloir. Le démantèlement, ce n’est pas seulement celui de l’Europe mais aussi de celui de pays qui la composent…