Billet invité.
D’une manière ou d’une autre, les dirigeants européens vont être rattrapés par l’exode qui se poursuit malgré le verrouillage des frontières et les dangers de la traversée de la Méditerranée. La raison est simple à comprendre : les réfugiés n’ont pas le choix et fuient des situations insoutenables. Mais en attendant, les qualifier de migrants pour banaliser leur situation et justifier le sort qui leur est réservé est inqualifiable.
En première ligne, la Grèce et l’Italie, les accueillent mais ne peuvent comme prévu les diriger vers un autre pays, une fois enregistrés, le programme de relocalisation à l’intérieur de l’Europe étant dans les faits quasi-gelé. Les réfugiés sont piégés. 144.000 d’entre eux sont actuellement coincés dans des structures d’accueil en Italie, 47.000 le sont sur le continent grec et environ 8.000 sont bloqués dans les îles. Dans l’attente d’un sort meilleur, mais incertain, près de 200.000 réfugiés vivent sur le sol européen dans des installations de fortune et des conditions déplorables. En dépit de l’extrême lenteur avec laquelle les demandes d’asile sont étudiées – les pays européens n’ayant toujours pas tenu leur engagement d’envoyer des personnels qualifiés en renfort – près des deux-tiers d’entre elles sont acceptées selon les chiffres disponibles, ce qui ne change en rien leur sort.
En Grèce, 35.000 personnes sont parquées dans des camps des régions isolées du nord du pays, souvent des casernes ou des usines désaffectées, où ils ont difficilement accès à Internet et aux services d’asile. 3.000 sont dans le centre d’Hellinikon près d’Athènes, 3.000 autres logent dans des squats et des bâtiments abandonnés avec le soutien de militants grecs, notamment à Thessalonique. Seuls 7.500 réfugiés, familles, enfants non accompagnés et handicapés, bénéficient d’un logement en appartement ou à l’hôtel.
Ce blocage étant destiné à durer, le HCR achève un programme de 10.000 places supplémentaires en appartement ou à l’hôtel, et le gouvernement va créer des nouveaux camps de préfabriqués avec cuisine, financés sur fonds européens pour 10.000 autres réfugiés. Petit à petit s’installe un accueil moins précaire.
La situation est différente en Italie. À Milan, à Côme, à Vintimille et à Rome domine la crainte que se créent de multiples petits Idoméni, sur le modèle du campement sauvage qui s’était créé à la frontière de la Grèce avec la Serbie, et qui est désormais résorbé. 144.000 réfugiés sont actuellement dénombrés dans des structures d’accueil, contre 103.000 en 2015 et 66.000 en 2014. Ne disposant plus d’argent et n’ayant plus rien à perdre, beaucoup d’entre eux tentent sans y parvenir de passer les frontières. Ils ont préalablement été enregistrés dans un hot spot dans le sud du pays, où ils sont débarqués après avoir été recueillis en mer par une armada de bateaux qui parviennent à limiter les naufrages, sans totalement les empêcher. Depuis le début de l’année, on dénombre plus de 3.000 noyades.
L’Allemagne, qui avait dans un premier temps largement ouvert ses portes, avant de les refermer, multiplie le refoulement des réfugiés sans papiers qui parviennent encore à sa frontière avec l’Autriche. Cela a été le cas de 13.324 Afghans, Syriens, Irakiens, Iraniens et Marocains de janvier à juin dernier. Durant la même période, 13.743 réfugiés ont été renvoyés dans leur pays d’origine, le Kosovo, la Serbie et l’Albanie. Plus d’un million de réfugiés ont été accueillis en Allemagne en 2015, mais les temps ont changé depuis la réinstallation des contrôles aux frontières en septembre dernier.
Afin de stabiliser la situation, les autorités européennes voudraient obtenir la possibilité d’envoyer leurs marines dans les eaux territoriales libyennes afin d’y débarquer les réfugiés après les avoir recueillis en mer. La création d’une nouvelle agence chargée de la protection des frontières européennes et dotée d’un corps de gardes-frontières est également au programme. L’Europe tient à le faire savoir et à s’en donner les moyens : les demandeurs d’asile n’y sont pas les bienvenus. Une page glorieuse de son histoire est en train d’être écrite.