Billet invité.
« Il reste deux mois pour sauver l’espace Schengen », déclare Donald Tusk, le président du Conseil de l’Europe en exercice. Le premier ministre hollandais Mark Rutte précise que « les flux des migrants doivent baisser d’ici 6 à 8 semaines, sinon ils ne sont pas viables ». Le problème est ouvertement posé, mais la solution reste loin d’être trouvée.
Selon le HCR, près de 31.000 réfugiés ont traversé la mer Égée pour rejoindre la Grèce depuis le début de l’année. 56% sont Syriens, 25% Afghans et 10% Irakiens. Si l’on retient les critères nationaux restreints d’éligibilité à l’asile qui priment dorénavant, 91% y correspondent. Les hommes ont représenté 45% d’entre eux, les femmes 20% et les enfants 35%. Telle est l’invasion qui est dénoncée dans toute l’Europe par des xénophobes instrumentalisés, alors que les nouvelles en provenance de la Syrie ont fait état du terrible siège de populations civiles affamées, crimes de guerre annonciateurs de la poursuite de l’exode.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), celle-ci pourrait grossir cette année par rapport à l’année passée, où 852.650 réfugiés y ont déjà contribué. Mais l’avenir européen est sombre et incertain pour ceux qui vont arriver. Les pays engagés dans l’accueil d’un quota réduit de 160.000 réfugiés pratiquent la résistance passive et n’appliquent pas leurs propres décisions, contribuant à fragiliser la position d’Angela Merkel en Allemagne.
Une quarantaine de députés CDU en font état dans une lettre ouverte qui lui a été adressée et appellent la Chancelière à changer de politique, car « nous sommes au bord des limites pour notre pays ». Ils rejoignent dans l’antagonisme les 54 élus de la CSU bavaroise. De son côté, Wolfgang Schäuble semble croire son heure proche et prend date pour lui succéder, tout en lui manifestant publiquement son allégeance. Mais l’affaire n’est pas jouée, dans l’attente du résultat des trois élections régionales de mars prochain.
La fermeture des frontières allemandes aux réfugiés pourrait vite en résulter, si un tel changement devait se concrétiser, conduisant la Grèce à devoir choisir entre l’accueil forcé de centaines de milliers de réfugiés, ou bien d’exiger alternativement du gouvernement turc qu’il les retienne sur son sol. Les conditions d’un conflit seraient réunies.
Afin de dégager une alternative, la Commission travaille à un plan qui vise à prioritairement renforcer les frontières extérieures de Schengen, mais c’est sur le papier. L’adoption d’autres mesures complémentaires – si elle intervient – demandera plus que les deux à trois mois à venir, et il ne faut pas tarder à agir : un rebondissement de l’exode se prépare avec l’arrivée du printemps, tétanisant les esprits.
Tirant la leçon de l’énorme dysfonctionnement qui est intervenu, Bruxelles voudrait faire adopter une solution alternative à la règle d’accueil des réfugiés qui n’a pas fonctionné en Grèce et en Italie, car elle n’était pas en adéquation avec l’ampleur de ce qui s’est passé. Dans l’avenir, ceux-ci devraient être répartis selon un système de quota permanent entre les pays, au lieu de rester à la charge du pays d’entrée dans Schengen. Ce système rejoint la proposition d’Angela Merkel de quotas non plafonnés… à un éventuel plafond près !
Le calcul de la Commission serait de faire adopter à chaud ce qui ne peut pas l’être dans le contexte actuel, sur le thème c’est cela ou le chaos, avec comme objectif de répartir la charge de l’accueil faute de pouvoir enrayer significativement l’exode. Car l’accord avec le gouvernement turc qui est toujours recherché devient de plus en plus difficile à assumer en raison de ses dérives multiples, et de moins en moins susceptible d’aboutir à un résultat satisfaisant.
Dans l’attente de tels développements, les Balkans connaissent une vague de grand froid qui met en danger les réfugiés sans abri lorsqu’ils dorment dehors par des températures inférieures à zéro degré. C’est le cas de certains de ceux qui sont refoulés pour cause de mauvaise nationalité à la frontière de la Grèce avec la Macédoine, où ils ne plus peuvent entrer, la discrimination contraire au droit d’asile est désormais en vigueur.
Faisant suite aux noyades à répétition qui se poursuivent, il semble que toute humanité ait disparu. Le déploiement des agents de Frontex dans les îles grecques y contribue, sous couvert de normalisation de l’action des centaines de volontaires qui ont assuré avec des moyens de fortune, et dans la pagaille de l’improvisation, l’accueil des réfugiés afin de les aider à faire leurs tous premiers pas sur le sol européen.
On retiendra l’élan des volontaires et la consternante responsabilité de la caste politique.