Billet invité.
Comment la double crise européenne va-t-elle évoluer ? Côté réfugiés, les événements de Cologne impriment désormais leur marque, et tout va se jouer en Allemagne. Côté politique fiscale, la discrète souplesse de la Commission va se heurter à l’intransigeance de la présidence tournante hollandaise de l’Union européenne, en la personne de Jeroen Dijsselbloem qui cumulera les présidences de l’Eurogroupe et de l’Ecofin (son équivalent pour toute l’UE).
Les portes de l’Allemagne sont encore ouvertes mais pour combien de temps ? Dans l’immédiat, une nouvelle législation devrait être adoptée, dont le projet actuel prévoit l’absence d’enregistrement parmi les crimes justifiant l’expulsion, ce qui est le cas d’un très grand nombre de réfugiés déjà parvenus en Allemagne. Cette disposition sera-t-elle adoptée ? Au plan politique, les derniers sondages font état d’une progression d’AfD (Alternative für Deutschland) au détriment de la CDU/CSU, mettant la pression sur les députés conservateurs.
La chancelière n’a pas le choix et doit donner des gages, où s’arrêtera-t-elle confrontée à la poursuite d’un exode qui n’a plus que l’Allemagne comme destination, les portes de la Suède étant désormais fermées ? Si celles de l’Allemagne devaient l’être leur tour, la Grèce deviendrait un cul de sac pour les réfugiés, une situation craint depuis le début par le gouvernement grec. Ce qui pourrait conduire, ravivant un antagonisme historique, à des tensions directes avec la Turquie, coupable de ne pas faire obstacle à la traversée de la mer Égée par les réfugiés afin de s’en débarrasser, elle aussi. Ce scénario n’est pas encore joué mais il est déjà écrit.
Souplesse fiscale ou pas souplesse ? Une partie de plus en plus large de l’Europe réclame celle-ci dans des contextes et sur des modes divers, depuis la Grèce et le Portugal jusqu’à l’Espagne et l’Italie. À Athènes, Alexis Tsipras s’efforce d’obtenir l’accord du Quartet avec une réforme des retraites épargnant les petits pensionnés, faisant valoir que de nombreuses familles grecques vivent toutes entières grâce à celles des aînés et qu’elles représentant le dernier filet. Au Portugal, Antonio Costa applique son programme et diminue les remboursements anticipés du FMI afin de se donner des marges de manœuvre budgétaires pour faire face aux coûts de la restructuration de la banque Banif, legs du précédent gouvernement dont il serait bien passé.
Désormais paralysée, l’Espagne reste hors des clous sur le plan budgétaire, une situation que la Commission a laissé traîner pour dépasser le cap des élections, mais devant laquelle elle va devoir se prononcer, venant encore complexifier la résolution de l’équation gouvernementale. Créant une situation destinée sauf coup de théâtre à s’installer, donnant la meilleure illustration d’une crise politique européenne sans solution. Enfin, le gouvernement italien, qui craint de ne pas bénéficier de la mansuétude de Jeroen Dijsselbloem, tente une nouvelle fois de relancer avec fort peu de chances de succès son projet d’Europe à deux niveaux. Celui-ci associe une vaste zone de libre-échange à un noyau à l’intégration renforcée, afin d’obtenir dans ce contexte les moyens de sa politique de relance budgétaire.
Une grande fragilité domine le paysage. Le moins que l’on puisse dire est que l’on ne s’oriente pas vers une sortie par le haut !