Billet invité.
Une réunion de l’Eurogroupe va le 9 novembre prochain décider du versement éventuel d’une tranche de deux milliards d’euros d’aide financière qui est en retard. Le commissaire Pierre Moscovici, en visite à Athènes, affecte la confiance et adopte un ton nouveau en évoquant l’adoption en fin de semaine d’un « compromis » sur les « trois ou quatre questions » qui restent à régler. Il s’appuie sur « la très bonne coopération » avec le gouvernement grec et ajoute que la Commission se trouve « aux côtés » de la Grèce pour l’aider à relancer son économie.
Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, aborde ces relations sous un autre angle, celui des réfugiés qui débarquent par milliers chaque jour dans les îles, pour souligner que « la Grèce ne peut y faire face seule et nous devons faire tout ce que nous pouvons pour l’aider ». Évoquant l’étape suivante des négociations qui devraient s’engager prochainement – la restructuration de la dette publique – il précise que « nous voulons que les coûts de la dette soient gérables ».
Par leur attitude et leur souplesse nouvelle, les dirigeants européens confirment le caractère éminemment politique et désormais intéressé de leurs interventions. Les bonnes intentions ne manquent pas depuis que la page a été tournée et qu’Alexis Tsipras est encensé pour son « courage », un satisfecit que l’on accorde aux hommes politiques quand ils rompent leurs promesses. Celui-ci se trouve plus que jamais le dos au mur avec son ministre des finances, Euclide Tsakalotos, mettant en avant les répercussions sociales des mesures exigées pour en substituer d’autres à impact financier constant. Cela tiendra le temps que cela pourra durer.
La recapitalisation des banques est entretemps bouclée. Elle devait impérativement l’être avant la fin de l’année, les nouvelles modalités du renflouement des banques à l’échelle européenne – le bail-in – intervenant au 1er janvier 2016. Appliquées, elles auraient comme conséquence de siphonner la trésorerie des PME grecques et de mettre au tapis l’économie pour longtemps. Un examen du bilan des banques a permis à l’Autorité européenne de supervision bancaire – une composante de la BCE – de déterminer à 14,4 milliards d’euros le montant de leurs recapitalisations ; un mécanisme a été mis en place afin de limiter l’apport des fonds publics, si tout se passe bien, via l’émission par les quatre grandes banques grecques qui vont en profiter, d’obligations contingentes convertibles (CoCos) qui ne seront converties en actions que si ce n’est pas le cas.
Le FMI reste en stand-by avant de décider s’il va ou non participer au nouveau plan de sauvetage et rappelle qu’il ne prendra une décision qu’une fois quatre questions clarifiées, dont celle du refinancement des banques. « Une recapitalisation adéquate du secteur bancaire en Grèce couplée à d’ambitieuses mesures du secteur financier pour renforcer la gouvernance des banques et s’attaquer à la question des créances douteuses sont cruciales pour rétablir la confiance », explique Gerry Rice, le porte-parole du FMI. L’objectif est de « s’assurer de la viabilité du secteur financier et de sa capacité à soutenir l’économie à moyen et long terme ». Sur cette base pourra être ensuite abordée la question de la dette.
Les mesures de renflouement des quatre banques risquent toutefois de ne pas satisfaire le FMI, n’ayant pas pris en compte l’impact de leurs « prêts non performants », dont le volume est de 107 milliards d’euros en face desquels elles ne peuvent produire que 21 milliards de collatéral. De nouveaux besoins de recapitalisation pourraient survenir rapidement, si des pertes importantes devaient être constatées dans ce secteur. Un second grand point de faiblesse réside dans l’importance des Deferred Tax Assets (DTA) inscrites au bilan des banques au titre des fonds propres, cette diabolique écriture comptable qui repose sur des profits imposables potentiels qui seraient exonérés d’impôt en raison de pertes antérieures. Si ceux-ci ne se matérialisaient pas, les 15 milliards d’euros de DTA seraient en effet épongés par les 14,5 milliards d’euros de la recapitalisation en cours !
La relance de l’économie grecque grâce à l’appui des banques, dont dépend le remboursement de la dette, est mal partie. Comme les deux précédents, le 3ème plan de sauvetage ne va pas porter ses fruits.