Billet invité.
Signe de désaccords de fond sur la manière de répondre à l’exode des réfugiés qui se poursuit envers et contre tout, le Conseil européen informel et extraordinaire qui s’est terminé dans la nuit aura mis six heures pour décider de pratiquement pas grand chose.
De petits chèques vont être signés afin que le Programme alimentaire mondial (PAM) et les ONG puissent rétablir les rations alimentaires – restreintes, faute de moyens – des centaines de milliers de réfugiés regroupés dans les camps libanais, jordaniens et turcs. C’est le moins qui peut être fait dans l’espoir qu’ils ne viennent pas grossir l’exode en cours.
Dans la même intention, mélangeant à l’habitude des crédits déjà attribués avec des efforts supplémentaires réduits pour gonfler les montants, la Commission a aussi annoncé mobiliser 1,7 milliard d’euros d’ici fin 2016, dont 500 millions pour les agences humanitaires.
Problème : cela ne parviendra pas à la stopper. Des milliers de réfugiés continuent chaque jour d’arriver aux frontières grecque, croate, hongroise et italienne, en direction principalement de l’Allemagne. Comment l’endiguer ? Le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, a déclaré que la question la plus urgente pour l’Union européenne était qu’elle « retrouve le contrôle de ses frontières extérieures ». Mais encore une fois comment ? Contrepartie de l’accord de « relocalisation » des réfugiés intervenu hier, la Commission étudie pour la fin de l’année le renforcement des frontières de la zone Schengen par des moyens européens avec un corps de gardes-frontières et gardes-côtes européens, mais cela empiète sur la souveraineté des pays concernés. Le problème est aussi pratique : que faire lorsque la frontière est maritime ? Une fois arrivés dans les eaux territoriales, les réfugiés ne peuvent être refoulés au regard des conventions internationales. La création de « hot spots » destinés à enregistrer les arrivants suscite aussi des réticences des pays concernés – la Grèce et l’Italie – qui craignent que ces centres une fois installés ne servent également à la « rétention » sur leur sol des réfugiés qui n’auraient pas le droit à l’asile. Il est question d’une supervision européenne de ceux-ci également, la confiance ne régnant pas.
Prenant le problème plus en aval, le premier ministre turc a relancé l’idée déjà émise de la création d’une zone de sécurité dans le nord de la Syrie, qui aurait vocation de zone-tampon et où seraient installés des camps. Dans une lettre au Conseil européen, il annonce « l’épuisement des capacités [de son pays] à accueillir les chercheurs d’asile de la région ». La création d’une telle zone n’empêcherait cependant pas l’Europe de conserver tout son d’attrait, et pourrait au contraire l’accroitre : les réfugiés ne cherchent pas une solution provisoire et précaire dans l’attente d’un problématique retour à la paix dans leurs pays, mais de trouver les conditions leur permettant de refaire leur vie.
Les autorités européennes insistent également sur la nécessité d’améliorer l’efficacité de leur « politique de retour », c’est à dire d’expulsion des migrants économiques. Mais comment séparer les réfugiés pour fait de guerre de ceux-ci ? Ceux qui se présentent en Europe cherchent refuge non seulement en raison de la guerre mais aussi de la désintégration de leur État. Les critères classiques sont dépassés, tout comme l’a été le dispositif de Schengen qui n’a pas résisté à l’exode en cours. Les plus hautes autorités européennes sont en retard d’une migration.
Hier et aujourd’hui, près de 10.000 réfugiés sont chaque jour entrés en Hongrie, venant de Croatie. Angela Merkel a déclaré ce matin que « nous avons vu un premier pas, mais nous sommes très loin de là où il faut aller », défendant la perspective d’une procédure durable sur la répartition des réfugiés dans les États membres.