Billet invité.
Tout étant de nos jours dans le discours, les communicants ont encore frappé et les politiques ont immédiatement suivi leur conseils. Cela s’amorçait dès hier, car il ne pouvait plus être ignoré que l’opinion basculait en faveur des réfugiés, à contre-courant d’une parole gouvernementale axée sur la fermeté à l’égard de ceux que l’on s’obstine à qualifier de migrants. Le contre-feu a aujourd’hui été allumé.
Le premier ministre français Manuel Valls s’est déplacé en fanfare à Calais, accompagné de son ministre de l’Intérieur et de deux commissaires européens. Lors de sa visite, qui a été l’occasion très tardive d’annoncer la création d’un centre d’accueil, il a été question d’humanité vis à vis de ceux qui « fuient la guerre, les persécutions, la torture, les dictatures », et qui doivent être selon le premier ministre français « traités dignement, abrités, soignés ». On attend les actes, en France et ailleurs. A cet égard, les ministres de l’intérieur de l’Union européenne feront le point le 14 septembre prochain, dans deux longues semaines. On a connu plus réactif !
À terme plus éloigné se profile une discussion sur un « droit d’asile européen », et une autre sur la répartition entre pays de ceux qui bénéficieront de ce statut. Car, comme l’a reconnu Angela Merkel, « si on n’arrive pas à une répartition équitable, alors la question de Schengen se posera. Nous ne voulons pas ça ». À nouveau, comme à propos de la sortie de la Grèce de l’euro, la politique européenne se définit par une négation, on sait ce que cela a donné.
Lorsque les dirigeants européens en viennent à gérer leurs désaccords, le pire est toujours sûr. Soyons confiants, tout sera fait pour minimiser l’afflux des réfugiés, depuis le renforcement de la surveillance des frontières de l’espace Schengen aux endroits de passage, la création de « hot spots » destinés à les retenir dans leurs pays d’arrivée, jusqu’au refoulement de ceux qui ne répondront pas aux critères leur permettant de bénéficier du droit d’asile.
Mais les dirigeants européens arriveront après la bataille. Dans l’immédiat, il faut se rendre à l’évidence, rien ne peut contenir l’exode qui se poursuit, les réfugiés trouvant leur chemin et bénéficiant d’une aide des organisations humanitaires et des populations qu’ils rencontrent. A croire que les gouvernements sont démunis. Mais le pire, comme les réfugiés l’expriment, est l’humiliation qu’ils ressentent en raison de l’accueil qu’ils rencontrent auprès des autorités.
C’est à Dresde, haut-lieu de l’islamophobie en Allemagne, qu’une manifestation a été organisée avant-hier sous une banderole qui proclamait « bienvenue », dont les milliers de participants chantaient « say it loud, say it clear, refugees are welcome here » (dites le haut et fort, les réfugiés sont les bienvenus ici). La presse allemande continuant sa campagne en leur faveur, la chancelière Angela Merkel a déclaré « Si l’Europe échoue sur la crise des réfugiés, le lien avec les droits civils universels sera cassé ». Dans l’entourage de Manuel Valls, on faisait savoir que « La France est à l’initiative avec l’Allemagne » dans une piteuse tentative de masquer l’absence d’implication française.