Billet invité.
Ne tirant pas la croissance mondiale comme espéré et n’ouvrant pas assez vite son économie aux mécanismes du marché comme attendu avec impatience, la Chine ne remplit pas ses promesses. Le virage est difficile et long à négocier : la baisse des exportations n’est pas compensée par la hausse de la consommation intérieure, et l’investissement continue de représenter 50 % du PIB.
Deux chiffres résument la situation : la croissance économique aurait été de 7 % au 1er semestre – elle serait inférieure, selon des indicateurs alternatifs – et les exportations ont chuté de 8,1 % en juillet sur un an. La baisse du taux de croissance alarme une direction chinoise soucieuse de respecter le pacte implicite passé avec des classes moyennes estimées à 200 à 300 millions de Chinois, selon lequel l’amélioration du niveau de vie compense la restriction de la démocratie. Un contrat déjà difficile à respecter en raison de la dégradation de l’environnement et des scandales alimentaires à répétition. L’éclatement de la bulle boursière intervenu début juillet n’a rien arrangé, des millions de petits investisseurs ayant laissé leur mise dans l’aventure à laquelle ils ont été invités à participer, le pouvoir ayant tenté de sauvegarder leur pouvoir d’achat en laissant la Bourse grimper vers des sommets.
Le Parti-État a multiplié les relances, mais cela n’a eu comme effet que de ralentir la chute de la croissance. La Banque centrale chinoise (BPoC) a multiplié les injections monétaires, diminué à quatre reprises son taux depuis 2014, puis réduit les ratios de réserves obligatoires des banques pour les inciter à prêter plus largement. Sous l’effet du plan de soutien destiné à enrayer la débâcle boursière, l’accroissement des prêts bancaires a été favorisé. Mais la dégradation de la situation économique a finalement incité la direction chinoise à renouer avec un nouveau grand plan d’investissements structurels, seul levier à effet rapide disponible. Des obligations seront émises pour 1.000 milliards de yuans (environ 150 milliards d’euros) afin d’être levées par les banques.
Par trois fois, les autorités ont dévalué le yuan en trois jours consécutifs, la BPoC proscrivant le terme de « dévaluation » pour s’en tenir à une « nouvelle manière » de calculer son taux-pivot qui l’arrime au dollar. Les analystes se sont rangés en deux camps, y voyant un nouvel épisode de dévaluation compétitive de la « guerre des monnaies » ou bien un pas en avant vers la convertibilité du yuan. Le FMI s’est rangé dans ce dernier camp, ces mesures desserrant le carcan de la fixation du cours du yuan et contribuant à un plus grand rôle du marché, seule voie permettant selon lui d’éviter un ralentissement plus prononcé de la croissance. Selon cette analyse, l’enjeu serait de faciliter l’entrée du yuan dans le panier des devises entrant dans le calcul des Droits de Tirage Spéciaux (DTS), cette monnaie émise par le FMI et utilisées par les banques centrales, premier pas vers la reconnaissance du yuan comme monnaie de réserve. A contrario, ces mêmes analystes venaient de déplorer l’interventionnisme boursier des autorités, destiné à contenir l’éclatement de la bulle qu’elles avaient laissé gonfler, car cela freinait le processus d’ouverture d’une économie officiellement qualifiée « d’économie de marché aux caractéristiques chinoises »…
N’est-ce pas prendre ses désirs pour des réalités que d’ignorer que cette dévaluation qui ne dit pas son nom a pour objet urgent de contribuer à la relance ? Et oublier que l’enjeu stratégique numéro 1 est de protéger les réserves de devises en dollar en les adossant à des actifs, ainsi que de sécuriser l’accès aux matières premières par des acquisitions et des accords commerciaux durables ? Quand aux grandes manœuvres, elles prennent des voies contournées, comme la création de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII), qui bouscule le monopole du FMI et de la Banque Mondiale dans la région. La priorité immédiate reste de stabiliser l’économie.