Billet invité.
Pour le moins mitigés, leurs résultats sont là : François Hollande a empêché la sortie de la Grèce de l’euro et Angela Merkel une restructuration de sa dette. Mais cela ne fait pas un véritable plan pour autant. Il ne suffira pas d’imposer un nouveau fardeau à la Grèce – plus il sera lourd, moins le plan sera crédible – deux tâches restent à accomplir : comment le rendre vraisemblable a minima et le boucler financièrement ?
Les deux questions sont étroitement liées, car il faut réunir 85 milliards d’euros, et les créanciers européens envisagent de mettre 50 milliards au pot. Cela continue d’aller mal quand de l’argent doit être mis sur la table. Le solde de 35 milliards devra provenir des excédents budgétaires grecs et des privatisations, qui viendront en diminution de ce montant, et d’un apport du FMI. A toutes fins utiles, Klaus Regling, le directeur du Mécanisme européen de stabilité (MES) prévoit de combler un éventuel trou grâce au retour de la Grèce sur le marché, qui selon lui pourrait intervenir dans le cadre du plan de trois ans qui reste à négocier !
Appelé dans les faits à devenir le principal contributeur, le FMI y met clairement ses conditions, refaisant surgir le débat sur la restructuration de la dette qu’il n’était prévu que d’aborder le plus tard possible. L’argumentation du Fonds est simple : ne pouvant pas prêter à un État insolvable, le rendre ainsi est un préalable, comme il s’est expliqué dans sa dernière analyse de la soudabilité de la dette qui a fuité dans la presse. Au passage, les circonstances de sa communication ne sont pas sans poser un sérieux problème de transparence pour le FMI, car les créanciers européens ont seuls bénéficié de celle-ci avant le sommet de dimanche, à l’exclusion des Grecs à qui il a été retiré un important argument dans une négociation qui a abouti à leur capitulation faute d’alternative.
Une bataille de chiffres est engagée entre la Commission et le FMI à propos des prévisions de rapport entre la dette et le PIB, élément déterminant de sa soutenabilité. Le FMI l’estime atteindre 170% en 2022, tandis que la Commission prévoit qu’il descendra à 130%. A noter que ces ratios sont calculés avant que l’on connaisse les mesures dont le 3ème plan exigera l’application…
Peter Doyle, un ancien haut fonctionnaire du FMI, met en cause dans le Financial Times ces prévisions optimistes auxquelles il ne croit pas, prenant appui dans les importantes réserves du document du FMI. Il remarque aussi que les nouvelles prévisions d’excédent budgétaire ne sont pas plus crédibles que les précédentes. Un taux de 3,5% devrait désormais être atteint dès 2018 – dès la troisième année du plan – pour ensuite se stabiliser à ce niveau. Il est d’ores et déjà inscrit dans les faits qu’il ne sera pas atteint et que les projections du FMI et de la Commission sont chiffrées pour les besoins de la cause.
La différence n’est toutefois pas négligeable, car l’effort de restructuration destiné à rendre la dette soutenable sur le papier ne serait pas le même suivant le cas choisi. C’est là que la visite de Jack Lew en Europe intervient : où le curseur va-t-il être placé pour que le FMI puisse rester dans le jeu et participer au financement du plan ? Revenant depuis Washington sur un mémo confidentiel qu’elle avait réservé à une poignée de dirigeants selon Peter Spiegel du Financial Times, Christine Lagarde a laissé une porte ouverte : « ce que nous leur avons leur dit [aux dirigeants qui ont eu droit à ses confidences] c’est que quelle que soit la forme que cela prend, il faut trouver un moyen d’alléger le fardeau et permettre au pays de démontrer que sa dette peut revenir sur une trajectoire viable ».
Nous vivons deux simulacres, celui du maintien d’une entente franco-allemande qui est révolue, et celui de l’unité entre les créanciers de la Grèce, qui va probablement être préservée au profit d’un accord sur les chiffrages politiques de circonstance. Le seul qui apparait avoir une position logique dans cette affaire qui n’est pas terminée, c’est Wolfgang Schäuble qui n’a pas désarmé et estime que le temps travaille pour lui, le 3ème plan n’allant pas produire les résultats escomptés. Il continue de tout faire pour cela.