Grèce : LES EUROPÉENS JOUENT AUSSI AVEC LE FEU, par François Leclerc.

Billet invité.

« La Grèce doit faire encore plus, notamment dans l’assainissement de ses finances publiques, sur les retraites et sur le marché du travail ». Cette nouvelle injonction de Valdis Dombrovskis, le vice-président letton de la Commission, n’est pas pour surprendre et en dit long sur l’acharnement des autorités européennes ainsi que leur refus de tout compromis. Un acharnement qui a pour origine l’impossibilité dans laquelle elles se trouvent de reconnaître des prévisions d’excédent budgétaire totalement irréalistes, qui seules fondent la perspective d’un remboursement de la dette.

Alexis Tsipras a raison de rechercher un accord politique, car aucun accord reposant sur des bases économiques et financières tangibles ne peut être trouvé dans ces conditions, puisqu’il est posé comme principe que la Grèce doit à tout prix rembourser ses dettes, et qu’il est politiquement exclu de reconnaître que ce ne sera pas le cas. La dernière proposition de Yanis Varoufakis d’échange des titres de la dette grecque détenus par la BCE n’avait d’ailleurs pas d’autre objectif que de permettre aux dirigeants européens de sauver la face et de noyer le poisson, mais il y a fort à parier que la perche tendue ne sera pas saisie.

Le premier ministre grec a souligné qu’il ne reviendrait pas sur ses lignes rouges : « certains peuvent s’imaginer que plus le temps passe, plus la résistance de la Grèce sera mise à l’épreuve et plus les lignes rouges qu’elle s’est fixées disparaîtront », en ajoutant « si c’est le cas, qu’ils oublient, c’est le contraire qui se produira ». Lui aussi a d’impérieuses raisons : raboter encore les retraites reviendrait à s’attaquer à une source de revenu qui permet à de nombreux chômeurs ne touchant plus d’allocations de survivre, grâce à la solidarité familiale. Augmenter la TVA et déterminer un taux unique aurait également de lourdes conséquences sociales, si certains secteurs n’étaient pas préservés, comme l’alimentation et les médicaments. Quant à la législation du travail, rendre encore plus facile les licenciements ne pourrait qu’accroître le chômage.

Dans ces conditions, la tentation pour les partenaires européens doit être grande de jouer la politique du pire, avec l’intention de faire porter sur les Grecs la responsabilité de ce qui s’en suivra afin de se dédouaner. Cela aurait l’avantage d’ensuite pouvoir assortir de conditions drastiques et non négociables un nouveau plan de sauvetage, en attendant le suivant. Mais si cela accentuerait une crise sociale encore déjà avancée, les conditions du remboursement de la dette n’en seraient pas pour autant créées. Une relance économique de la Grèce reposant sur le développement des exportations – un schéma qui vient d’ailleurs d’être infirmé au niveau européen par Eurostat – supposerait non seulement une profonde refonte de l’économie grecque, qui ne pourrait porter ses fruits qu’au terme de nombreuses années, mais aussi d’importants investissements pour la financer, ainsi que des débouchés ! Une mutation qui plus est impensable dans une société secouée par une profonde crise sociale.

Pour que cette tentation soit écartée, la voie du compromis devrait être empruntée, mais selon l’adage bien connu « it takes two to tango » (il faut être deux pour danser le tango). Et à force d’attendre des autorités européennes des manifestations concrètes de s’y engager qui ne viennent pas, on en vient en penser qu’elles vont finir par se brûler avec le feu. Il leur sera difficile de le travestir en victoire.