Billet invité.
En raison de sa résistance opiniâtre, Yanis Varoufakis a été chargé de tous les pêchés par ses interlocuteurs européens lors du dernier Eurogroupe, une intense campagne s’en suivant dans les médias : il ne fait pas bon de refuser d’entrer dans leur jeu. Les dirigeants européens disent perdre patience, mais c’est à se demander si ce ne sont pas leurs nerfs qu’ils commencent à perdre.
Depuis, les évènements se sont précipités. Mais le remaniement de l’équipe de négociation du gouvernement grec intervenu hier fait l’objet d’interprétations précipitées, comme s’il annonçait un important tournant d’Alexis Tsipras. Il est préférable d’y regarder de plus près. Ce dernier a non seulement confirmé depuis les points durs sur lequel il ne voulait pas céder – les lignes rouges – mais annoncé qu’il pourrait organiser un référendum s’il devait y être contraint, renouant avec la menace de George Papandréou de 2011, qui n’avait pas été mise à exécution en raison de pressions auxquelles il n’avait pas résisté. Et si les négociateurs entrants sont réputés de ses proches, Euclid Tsakalotos, le ministre délégué aux relations économiques internationales, qui va coordonner les négociations l’est également de l’aile gauche de Syriza.
Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, est intervenu ce matin pour lancer un nouvel avertissement sur le thème que l’aide de la BCE ne va pas continuer « indéfiniment », osant utiliser comme argument que « l’objectif n’est pas de faire de l’assistanat permanent ». Afin de conjurer la crainte que leur inspire un défaut de la Grèce – la patience dont ils ont fait preuve et semblent à court n’était pas sans raison – les dirigeants européens ne trouvent rien de mieux, arrivés en fin de parcours, que de rechercher une capitulation grecque. Ne laissant aucune place à la négociation, ils prennent le risque du tout ou rien. De peur que préparer un plan B, comme réclamé durant l’Eurogroupe par des ministres inquiets de la tournure prise par les évènement, ne les précipite, le vice-président de la Commission Valdes Dombrovskis a par ailleurs mis les choses au point : « Il y a une claire décision de l’Eurogroupe de se concentrer sur ce plan et non pas sur un quelconque plan B ».
Sont-ils à ce point aveuglés par leurs propres certitudes, ou bien tiennent-ils donc tant que cela à étouffer la rébellion dans l’œuf ? Quoi qu’il en soit, il se confirme que la manipulation de l’opinion est au cœur de leur communication, Christian Noyer poursuivant grossièrement dans la même veine : « cela n’aurait aucun sens qu’on dise que, pendant les 20 ou 30 ou 50 prochaines années, on va faire un chèque à la Grèce pour payer ses fins de mois ».
Les dirigeants grecs constatent que leurs adversaires sont revenus sur l’accord du 20 février dernier, sur la base duquel les négociations ont démarré. Ceux-ci maintiennent envers et contre tout leur exigence des mêmes « réformes économiques » qui ont déjà fait plonger la Grèce, et refusent de s’impliquer dans le plan de relance auquel les Grecs continuent activement de travailler. La preuve doit être faite que la rébellion ne paye pas.
Que dit François Hollande ? Rien ! Et Manuel Valls ? Il s’est successivement rendu en Espagne, au Portugal et en Irlande pour soutenir la politique défendue à Bruxelles et à Francfort, le siège de la BCE. Comment lui donner tort ? il faut vite débaptiser le parti socialiste français.