Billet invité.
Plus l’on s’approche de la prochaine réunion de l’Eurogroupe du 24 avril à Riga, plus la confusion s’instaure. Une fois encore, cette occasion est présentée comme fatidique en vue de conclure un accord entre le gouvernement grec et les autorités européennes. En conséquence, c’est le 20 avril que de nouvelles propositions de réformes doivent être au plus tard formulées par Athènes afin qu’elles puissent y être examinées, une échéance que le vice-président de la Commission, Valdis Dombrovskis, a déjà présenté comme « plus ou moins la date préliminaire »… Allez donc savoir !
Jusqu’à quand Athènes pourra-t-elle tenir financièrement ? Cette question a déjà donné lieu à de nombreuses supputations qui ont été infirmées, mais les échéances des remboursements de mai du FMI apparaissent cette fois-ci insurmontables, le gouvernement continuant d’assurer qu’il payera en priorité les salaires des fonctionnaires et les retraites, ce qui le conduira à faire rapidement défaut s’il n’obtient aucun nouveau financement.
Les négociations qui se poursuivent ont-elles une chance de débloquer ce dernier ? Exprimant l’intransigeance des autorités européennes dans l’une de ses postures favorites, le premier ministre français Manuel Valls a opportunément choisit son passage à Lisbonne pour réclamer au nom de la France des « réformes plus profondes ». En désespoir de cause, dans son camp il est désormais attendu d’Alexis Tsipras qu’il affronte l’aile radicale de Syriza et recherche de nouvelles alliances parlementaires en allant à Canossa. Ce à quoi Yanis Varoufakis a répondu : « Nous sommes prêts à faire toutes sortes de compromis, nous ne sommes pas prêts à nous compromettre ».
On ne manquera pas de souligner l’extrême discrétion dont les dirigeants européens font preuve en évitant d’évoquer publiquement le fond du désaccord, au profit de discussions qui seraient « très compliquées ». Nous en saurons ainsi bien assez ! Car sur quoi porte-t-il donc de si inconvenant ? Sur la baisse des retraites des fonctionnaires et une augmentation de la TVA, la réforme de la législation du travail et celle des caisses d’assurance sociale, ainsi que sur l’accélération des privatisations…
C’est au nom de ces mesures et de leur prétendue rationalité économique que les dirigeants européens conduisent le gouvernement d’un pays de la zone euro à faire défaut, créant une situation qu’ils prétendent maitrisable mais dont ils ignorent dans la pratique les effets. Exprimant une exigence d’autant plus malvenue qu’elle repose sur une totale irrationalité quand ils prétendent créer ainsi les conditions du remboursement de la dette grecque. Elle correspond en réalité à une décision purement politique dont ses artisans sont comptables mais dont ils ne veulent pas prendre ouvertement la responsabilité.
Une nouvelle interrogation vient d’émerger : comme il est rapporté, le gouvernement grec prépare-t-il ou non un plan B – un défaut et des mesures de contrôle des capitaux, mais pas nécessairement une sortie de l’euro – ou s’agit-il d’un dernier coup de bluff destiné à faire monter la pression ? Que l’on en vienne à se poser une telle question illustre à la fois la grande incertitude qui prévaut et un incontestable désarroi. Il arrivait en effet en d’autres temps, lorsque deux pilotes d’avion de chasse entamaient la figure dénommée passe frontale, qu’aucun des deux ne se décidait à céder, entrainant les funestes conséquences que l’on devine.
On devrait pourtant se souvenir que le FMI, qui ne tient pas plus que la BCE à être l’exécuteur des hautes œuvres, peut prendre son temps pour déclarer un défaut en octroyant un dernier délai de grâce de quelques semaines. Il n’y a décidément pas foule pour prendre ses responsabilités dans ce marigot, c’est le moins que l’on puisse dire. Serait-ce parce que nul ne veut y assumer les conséquences sociales d’une politique qui n’a d’autre objet que de gagner du temps, et d’autre résultat que de plonger encore plus dans la misère un pays européen en prétendant hypocritement l’aider ?
En ne saisissant pas la main charitable qui leur est tendue et qui les a déjà gratifié d’une aumône de 245 milliards d’euros, ces Grecs ne sont pas reconnaissants ! Mais comment un pays qui pèse 2% du PIB européen a-t-il pu en arriver là, par ses seuls propres moyens, est une question laissée sans réponse… D’autres qui s’annoncent ne pourront pas être éludées : comment ce monstrueux prêt pourra-t-il être remboursé en cas de défaut ? quelles seront les conséquences sur l’endettement des pays prêteurs et signataires du Pacte fiscal de ceux qui les suivront ? le FMI sera-t-il en mesure de prendre le relais des États européens sans imposer ses contreparties traditionnelles, pour avoir reconnu que leurs effets avaient été mal estimés en Grèce ?
Accumulant les erreurs de calcul, nos édiles se sont pris les pieds dans les pédales.