Billet invité.
Est-il utile de revenir sur un plan Juncker d’investissement, soutenu « sur le principe » et du bout des doigts par Angela Merkel, et que le gouvernement français voudrait « améliorer ». Ces réactions toutes diplomatiques enregistrées, il est quasi-unanimement décrié. Que l’on considère la faiblesse de son montant, l’absence de fonds publics, ou son mécanisme d’appel à des fonds privés, il est peu crédible et il en va de même de ses résultats. Mais, il faut le concéder, ce plan ne fait qu’exprimer l’étroitesse des marges de manœuvre de ses concepteurs, que l’on connaissait déjà.
Vitor Constancio, le vice-président de la BCE, est-il mieux loti que Jean-Claude Juncker, qui vient d’être conforté par un confortable vote de confiance du Parlement européen, sociaux-démocrates compris, en dépit des LuxLeaks ? Présentant le rapport bi-annuel de stabilité financière de la banque centrale, il a annoncé que « tous les indicateurs de risque systémique en zone euro sont à un niveau très bas, et certains d’entre eux à des niveaux similaires à ceux d’avant la crise ». Toutefois, ayant évacué tout semblant d’interrogation sur la qualité de ces indicateurs, il s’inquiète que « le shadow banking représente 60% du total des actifs bancaires en Europe », avec comme leçon que « nous devons en savoir plus, et avoir une meilleure connaissance de l’exposition du secteur réglementé de la finance vis-à-vis de secteurs moins réglementés ».
En attendant, les prises de risque s’accentuent en raison des taux très bas qui se sont installés, qui pèsent sur la rentabilité des banques et dont les établissements allemands s’alarment ouvertement en raison de l’amoindrissement de leurs marges : un retournement de situation ferait des ravages financiers dans le système financier. En toute logique, la BCE enregistre une nouvelle baisse du crédit aux entreprises et aux particuliers, à contrecourant de ses efforts pour le relancer. Et les indices les plus significatifs du moment ne sont pas réjouissants : l’inflation allemande, qui continue à chuter, va imprimer sa marque à celle de la zone euro, et les titres à dix ans allemands s’approchent de 0,7% et d’un rendement net négatif, tandis que les titres français sont passés sous le seuil de 1%. Frileusement, les capitaux se tiennent au chaud, sous la protection d’une BCE acheteuse de leurs titres en dernier ressort.
Les marchés financiers continuent vaille que vaille à croire à leur bonne étoile, portés par les déclarations d’intention des représentants de la BCE et attendant avec espoir les réunions de décembre et de janvier du conseil de ses gouverneurs. Tant qu’il y a de l’espoir… Les banques, pour leur part, croient le moment venu de reprendre l’initiative à leur avantage. Un de leur lobbies, l’Association for Financial Markets, s’appuie sur une étude de PricewaterhouseCoopers pour menacer des pires conséquences le nouveau commissaire aux services financiers, Jonathan Hill, si les projets de la Commission d’encadrement des activités de marché sur fonds propres des banques voyaient le jour, avec pour objectif d’en rendre les dispositions inopérantes.
Dans tout ce pataquès, Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein ont rendu public leur rapport sous les ors de la République. Les termes sont choisis et policés, mais on en revient toujours aux mêmes recettes : plutôt que geler les salaires, est condamnée « l’inertie des salaires » française qui ne freine pas leur hausse, et préconisé d’adopter le concept de « flexisécurité » du marché du travail. En Allemagne, des mesures destinées à permettre aux femmes de travailler et de réduction de la durée des études sont préconisées, en raison de la pénurie potentielle de main-d’œuvre résultant du vieillissement de la population. Ne nous y attardons pas, la divulgation du plan Juncker a ravi la vedette à ce rapport dont l’objet était d’explorer les termes d’un compromis franco-allemand qui ne prend pas le chemin de se réaliser.