Billet invité.
C’est un début de semaine de rumeurs et de ballons d’essais. Quel sort va être réservé aux projets de budgets italien et français ? Quelles mesures de soutien à la croissance la mission franco-allemande Jean Pisani-Ferry/Henrik Enderlein va-t-elle préconiser (et lesquelles seront finalement adoptées) ? Quel vont être les contours du plan d’investissement de Jean-Claude Juncker ?
Toutes les réponses ne seront pas apportées dans l’immédiat car la réunion de l’Eurogroupe du 1er décembre, qui devait statuer à propos de la première question, a été reportée pour cause d’intense bagarre, d’après le quotidien allemand Handelsblatt. Les propositions du couple franco-allemand seront quant à elles bien dévoilées jeudi, mais elles ne sont pas encore finalisées, affirme le magazine Der Spiegel qui croit cependant en connaitre les grandes lignes. Sans attendre, des distances avec leur contenu supposé sont prises par le chef de file des députés socialistes français, Bruno Le Roux. Enfin, le plan Juncker, qui devrait s’appeler « Investir en Europe », sera présenté au Parlement européen mercredi, après avoir été « techniquement finalisé » ce week-end, ce qui signifie que des arbitrages politiques sont encore à rendre.
Au sujet de ce dernier, la bataille a fait rage, afin de réduire l’effet de levier qui en est attendu en accroissant la mise des fonds publics de départ. Une chose est certaine, ceux-ci seront en première ligne pour amortir les pertes qui pourront résulter des 300 milliards d’euros d’investissements dans des projets d’infrastructure qu’il est cherché à réunir dans les cinq prochaines années. Toute la crédibilité du plan repose sur les garanties qui pourront être données aux investisseurs privés. Initialement prévu de 10, cet effet de levier ne serait que de 6, d’après les rumeurs, ce qui impliquerait que 50 milliards d’euros constitueraient l’apport de fonds publics, dont une partie viendrait de fonds communautaires réaffectés. Afin de les réunir, il serait question que les apports complémentaires des États ne soient pas comptabilisés dans le calcul de leur déficit.
Ce plan repose sur le pari qu’il va être possible de capter une petite partie des gigantesques masses de liquidités financières existantes, non sans rapport avec les injections de liquidité massives des banques centrales et leur politique de taux proche de zéro. Il vaut reconnaissance de la mauvaise allocation des capitaux générée par les marchés financiers. Mais les garanties apportées contre les pertes éventuelles seront-elles suffisamment attrayantes ? A voir l’affluence de capitaux sur le marché obligataire européen – avec pour conséquence un taux en dessous de 2% pour le dix ans espagnol – il a donc été évalué que l’affaire est jouable.
Aux investisseurs privés les gains, aux publics les pertes, ce ne serait une fois de plus qu’un grand classique ! Mais une question pourrait cependant faire hésiter les privés : les investissements dans les infrastructures sont réputés fabriquer de très lourdes pertes quand les choses tournent mal, et il n’est pas certain, dans ces conditions, que le matelas de fonds publics prévu suffise à les amortir. À suivre mercredi matin.
Le travail de Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein était destiné à explorer les engagements que le gouvernement français pourrait prendre, en contrepartie de l’acceptation de son projet de budget 2015 par la Commission, mais leur rapport fera problème s’il préconise comme annoncé par Der Spiegel un gel des salaires pendant 5 ans et un « assouplissement » des 35 heures. Les négociations ayant de plus en plus tendance à se faire par voie de presse, Wolfgang Schäuble a pris les devant dans l’hebdomadaire allemand Focus et fait monter les enchères : il propose que le sommet européen du mois prochain décide d’accorder à la Commission un droit de veto sur les budgets nationaux lorsqu’ils contreviennent aux règles européennes. Le gouvernement français, « pays déficitaire récidiviste » selon le commissaire Günther Oettinger, est directement visé.
Ces gesticulations ne mèneront pas loin.