Billet invité.
Il reste à faire pour que le sauvetage de la Banque Espirito Santo (BES) soit accompli ! La liste des points à clarifier en suspens s’allonge, et la concrétisation d’une vente rapide de la good bank Novo Banco s’éloigne, celle-ci restant dans les mains de ceux qui voulaient s’en débarrasser comme une patate brûlante.
Un jour, le premier ministre confirme qu’elle doit intervenir dans l’urgence, appuyé un peu vite par Bruxelles, et le lendemain que ce n’est finalement pas si pressé ! Un autre jour, son tout nouveau patron nommé par la Banque du Portugal démissionne – arguant que son mandat initial était de faire vivre la banque et non pas de la brader – le lendemain son remplaçant dont c’est devenu la mission explique qu’il faut arrêter de parler de calendrier et de modèle de vente (par appartement ou non), mais retrousser ses manches pour créer de la valeur, récupérer des dépôts et amasser de bons crédits. Une chatte n’y retrouverait pas ses jeunes.
Selon le représentant portugais de Lloyds Bank, Novo Banco n’a plus que 15% de parts du marché bancaire portugais, alors que la BES brillait auparavant au firmament, mais cela peut encore susciter quelques convoitises… À condition de pouvoir s’appuyer sur une valorisation crédible de la banque, qui hélas brille par son absence ! Mais comment l’établir alors qu’un conflit juridique potentiel oppose l’actionnaire en règlement judiciaire de la BES – Espirito Santo Financial Group (ESFG) – à propos du produit de la vente de sa filiale d’assurance Tranquilidade, dont les actions avaient été apportées en garantie d’un prêt non remboursé de la BES et transféré à Novo Banco ? Comment y procéder alors que l’on ignore tout du sort qui va être réservé à une exposition de plusieurs milliards d’euros de la BES à sa filiale angolaise, la BESA, que Novo Banco a également récupérée lors de sa création ? Tout cela fait désordre et contredit les satisfecit accordés dans la précipitation au gouvernement portugais pour sa maitrise du dossier. Sans doute était-on pressé de le refermer, car il augure mal du démarrage de la future Union bancaire, en dépit d’affirmations répétées sur le respect des principes affichés pour cette dernière…
On ne parlera pas de la commission d’enquête parlementaire qui vient d’être mise en place au Portugal, destinée à davantage s’impliquer dans des jeux politiques préélectoraux que dans l’exploration des arcanes de l’implosion du groupe Espirito Santo. Quoique des surprises sont toujours possibles, le sujet étant délicat non seulement pour le gouvernement actuel mais également l’équipe socialiste qui l’a précédé : c’est la nature profonde des connivences entre les milieux d’affaire et politiques qui est en question, et de nouvelles révélations ne surprendraient aucun Portugais, qui en ont déjà beaucoup vu et que rien ne pourra plus étonner dans ce domaine. Pourquoi les autorités – elles seules – n’ont rien vu venir ? Difficile de répondre à cette troublante question en se contentant de mettre en cause Ricardo Salgado, qui tirait toutes les ficelles du groupe historique contrôlé par sa famille et ferait bien un coupable idéal, à moins qu’il ne dispose de quelques dossiers confondants ne demandant qu’à sortir…
Les liens étroits et non sans une tenace opacité tissés entre ces milieux et le pouvoir angolais sont également un sujet sensible. La garantie de l’État angolais accordée par son président José dos Santos ayant été levée sans tambours ni trompettes, on attend toujours les « mesures exceptionnelles » que la Banque d’Angola a annoncées début août dernier à propos de la filiale BESA de la BES, dont Novo Banco a récupéré l’énorme exposition. Assis sur leur pétrole et leurs diamants, les tenants de l’ancienne colonie mènent le jeu dans les cercles du pouvoir de l’ancien colonisateur.
Dans l’immédiat, les pépites du groupe Espirito Santo s’arrachent, les assurances Tranquilidade ou Espirito Santo Saude, sa branche médicale. Mais le produit des ventes, qui fait l’objet de farouches revendications dans le premier cas et d’une vive concurrence dans le second, ne comblera jamais le trou. Suivre la piste de l’argent au fur et à mesure qu’elle se dévoile va continuer d’éclairer des mœurs et des pratiques qu’il serait erroné de réserver à un groupe portugais qui a fait son temps, mais qui sont d’usage commun dans les milieux financiers.
Avec tout cela, une question subsiste : si, comme il est désormais de plus en plus envisagé, la vente hypothétique de Novo Banco apporte moins d’argent que sa création n’en a coûté, qui financera la différence ? Il continue d’être soutenu que le système bancaire portugais y pourvoira, mais dans le flou ambiant cela demande à se vérifier, le doute étant de rigueur dans ce bas monde.