Billet invité.
Est-ce que Mario Draghi a reculé pour mieux attendre, et lancer plus tard un programme d’achat de titres souverains en grand, ou cherche-t-il au contraire à l’éviter avec ses achats de produits titrisés de dette des entreprises ? Sans réponse mais sans incidence immédiate, la question agite le Landernau, en particulier allemand, en raison de son caractère politiquement sensible.
Ce n’est pas le cas des modalités du nouveau programme de la BCE, dont des détails filtrent dans la presse allemande. Son énorme volume d’abord, qui serait de 800 milliards d’euros selon Der Spiegel, mais surtout le partage du risque sur lequel il reposerait. Il serait question que la BCE n’acquière que les tranches senior des titres, la Banque Européenne d’Investissement (BEI) et les fonds souverains nationaux (la banque publique KfW en Allemagne) en faisant autant des tranches junior. Cela reviendrait à faire supporter les risques à ces derniers et à préserver la BCE. Mais la KfW a déjà fait savoir qu’elle n’y était pas prête, au prétexte que cela s’apparenterait à une union fiscale, et qu’elle ne pourrait accepter que des titres émis nationalement.
Le même débat a été engagé sous un autre angle en fin de semaine dernière par Martin Blessing, le PDG de la Commerzbank, qui a proposé la création d’euro-obligations à risque quasi-nul pour les investisseurs, qui ne pourraient être émises qu’à concurrence de 25 % du PIB de chaque pays. Il a suscité une réaction en retour du porte-parole d’Angela Merkel, sur le thème bien connu que cela inciterait les gouvernements à ne pas réaliser les réformes structurelles.
Mais un débat peut en cacher un autre. Jusqu’à quel degré la BCE est-elle prête à jouer le rôle de bad bank de l’union monétaire ? La suspicion à propos de la qualité du collatéral provenant des banques en garantie des prêts par la banque centrale n’est pas nouvelle, alimentant la conviction qu’il n’y a pas que du bon dans son bilan en dépit des précautions affichées (décote, etc.). Les révélations actuelles montrent que ce n’est pas de gaité de cœur qu’elle joue ce rôle et qu’elle prétend le limiter, mais la pente est glissante… À bien y réfléchir, qu’elle s’y engage réellement ne serait-il pas nécessaire pour faire redémarrer la machine ? Ne devrait-elle pas carrément soulager les banques de leurs actifs douteux, afin qu’elles relancent le crédit ? Et, tant qu’à faire, en devenant détentrice non seulement de titres de dette privée, mais aussi de la dette souveraine, afin que cette dernière retrouve le niveau d’avant la crise ?
Décidément, toutes les solutions sont iconoclastes. Car, à y réfléchir, le choix est entre une telle solution – à la façon d’un tour de passe-passe qui risquerait de rater – ou une restructuration de la dette publique arrivant au même résultat… À moins d’entendre les admonestations de Christine Lagarde qui, profitant d’une fenêtre de tir politique, hausse le niveau du débat en exigeant que la France « garde le cap de la réduction de la dépense publique » et s’attaque au « carcan de la réglementation du travail ». Cette double peine avec les impôts confiscatoires !