Billet invité.
Laborieusement, comme en toute chose, les dirigeants européens s’efforcent de surmonter leurs contradictions et d’amorcer un tournant qui s’annonce par avance inconséquent. Devant les faits, ils doivent une fois de plus s’incliner, sans en tirer les conséquences et remettre en question leur orientation. L’Italie s’apprête à dépasser la ligne jaune des 3% du PIB de déficit que la France est loin de pouvoir rejoindre. La sanction ne peut être minorée : ce ne sont plus des pays européens périphériques qui se révèlent rebelles à l’application d’une politique qui fait loi, mais deux des trois principales puissances économiques de la zone euro (la première ne se portant pas si bien).
Que croyez-vous que cela va déclencher ? Non pas une remise en cause de cette politique, mais une tentative dérisoire, qui se cherche, de continuer à tenter de faire entrer des ronds dans des carrés. Tous les indicateurs économiques en berne prononcée, les marges de manœuvre des gouvernements se réduisent encore, aboutissant à ce que fleurissent à nouveau les appels plus ou moins explicites à l’Allemagne afin qu’elle réagisse et devienne la locomotive de l’Europe. Le dernier en date de Christine Lagarde, au nom du FMI. Mais l’on se paye de mots une fois de plus. Croire que l’introduction, non généralisée et progressive, d’un salaire minimum de 8,5 euros brut va dynamiser la consommation intérieure allemande et favoriser les exportations des autres pays de la zone euro, c’est prendre des vessies pour des lanternes. Penser qu’un programme d’investissement allemand en serait également susceptible est une vue de l’esprit. Il ne reste plus que la crainte non avouée que l’Allemagne prenne du champ et joue solo.
Une seule certitude peut être partagée : « ils » vont continuer à tergiverser. Soit en essayant de monnayer de maigres et évanescentes marges de flexibilité de la politique de réduction de la dette et du déficit contre la mise en œuvre de réformes du marché du travail, dont les effets d’entraînement seront lointains pour des effets sociaux immédiats désastreux, soit en nouant des bouts de ficelle budgétaires pour bâtir et financer un mirifique programme d’investissement pluriannuel à l’intitulé ronflant et aux effets dilués dans le temps. Telles sont en effet les politiques préconisées par Mario Draghi, au nom de la BCE, et Jean-Claude Juncker, pour la nouvelle Commission. Mais cela n’est même pas acquis.
Reste suspendu comme une carotte brandie devant le nez le lancement par la BCE d’un programme plus ou moins massif d’achats d’actifs – qualifié d’assouplissement quantitatif selon la terminologie des banques centrales – qui pourrait être activé en dernier ressort, si la pression déflationniste actuelle s’amplifiait encore. Super Mario ne cesse à ce propos de répéter : « Retenez-moi sinon je fais un malheur ! ». On est prié de croire que le verbe pourra, une seconde fois, tenir lieu de passage à l’acte, comme cela a déjà été le cas lorsque le marché obligataire a été calmé par l’assurance que la BCE ferait « tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro ». Le fil de l’espoir est parfois tenu !
En fait de remaniement, celui de la Commission est à l’ordre du jour du sommet européen de rentrée de samedi prochain. Angela Merkel n’a pas attendu pour annoncer qu’elle soutenait la candidature de Luis de Guindos, le ministre de l’économie espagnol, au poste de président de l’Eurogroupe : rien qui annonce l’assouplissement de sa doctrine. Le jeu ne va pas seulement être petit, il va être tendu…