Billet invité.
La zone euro est à nouveau au bord de la récession et la pression déflationniste s’amplifie, accentuant le risque d’entrer dans une déflation à la japonaise dont on ne sort pas. L’Allemagne, la France et l’Italie – ses trois premières puissances économiques – sont désormais touchées, chacune à sa manière. Sans que cela influe sur le discours de la BCE et de la Commission, qui préconisent comme si de rien n’était la poursuite des réformes structurelles en prenant comme exemple la mirifique croissance dont bénéficient l’Espagne et le Portugal (0,6% au second trimestre dans les deux cas) après avoir été poussés au fond du trou.
Le discours sur la croissance est épuisé, mais il n’y en a pas de rechange, d’où la crispation de la part de ceux qui n’ont pas d’alternative à proposer à leur politique reposant sur la résorption accélérée et prioritaire de la dette publique. Pourtant, elle ne fonctionne pas, comme le montre notamment la progression de la dette de l’État espagnol : celle-ci a dépassé fin juin les 1.000 milliards d’euros et continue à grimper, prévue pour dépasser le seuil symbolique de 100% du PIB en 2015. D’un point de vue économique, inscrire dans un traité des normes de déficit est tout aussi absurde que d’avoir mené la politique d’austérité, et cela ne garantit en rien qu’elles seront respectées…
Coincés dans leurs certitudes, pris à contrepied par leur absence de résultats, les dirigeants européens sont globalement incapables de formuler une politique alternative, pris au piège de leurs croyances et allégeances. Ils ont cru trouver dans le moins d’État et la diminution du coût du travail un exutoire, mais leur recette ne fonctionne pas. Dans le meilleur des cas, ils s’en remettent encore une fois à la BCE en souhaitant – sans oser le dire ouvertement – qu’elle suive les traces de ses collègues américaines, britannique et japonaise et achète en grand la dette publique pour enfin s’en débarrasser. Mais cette tardive échappatoire fait partie des interdits dont ces mêmes dirigeants se sont bardés, après les avoir gravés dans des traités, animés par la crainte d’effrayer les marchés et la nécessité de protéger prioritairement les banques, dont le salut attendu ne vient pas. Au mieux, étant dépassés, ils ont démissionné, au pire ils sont complices.
La référence à la croissance, ce grossier indicateur à tout faire, cette abstraction comptable inadaptée, n’est tout simplement plus pertinent. On ne peut plus éluder les dimensions environnementale et sociale de l’activité et du développement économique dans le calcul du bien-être. Une remise à plat est nécessaire, mais elle implique de rompre avec une idéologie dogmatique à bout de course et de remettre en cause des situations acquises. En fait de réformes de structure, nous y arrivons et elles sont d’envergure ! Elles sont aussi indispensables, mais d’évidence pas les mêmes que celles qui nous sont serinées. La dette publique, quant à elle, n’a d’autre sort possible que d’être restructurée à grande échelle en raison du volume qu’elle a atteint, ce qui dégonflera la baudruche financière parasitaire.
L’utopie, c’est de vouloir continuer comme avant.