Billet invité.
Une musique qui n’arrête pas provient des États-Unis. Elle est faite d’amendes colossales, la dernière en date de 16 à 17 milliards d’euros à Bank of America pour la vente de 57 milliards de dollars de produits toxiques adossés à des prêts immobiliers subprime. Mais également de l’injonction de la Fed et de la FDIC – le régulateur des banques – à onze mégabanques américaines et européennes opérant sur le territoire américain de revoir leur copie après la communication à celles-ci de leur « testament biologique » (living will) en raison « d’hypothèses irréalistes ou incorrectement étayées ». Ou bien de l’ouverture d’enquêtes sur les dark pools – ces structures permettant d’effectuer des transactions protégées des interférences, qui représentent 35% du volume des échanges aux États-Unis – de Barclays, UBS et Credit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs et Morgan Stanley.
La Fed de New-York, en charge de la surveillance de Wall Street, en est également à l’origine : elle a relevé de sérieux problèmes dans le reporting de la Deutsche Bank (qui décidément n’arrête pas de défrayer la chronique) en raison de « sa faible qualité, de son caractère imprécis et de son manque de fiabilité », constatant que cela ne s’est pas amélioré à la suite d’observations réitérées. Il en a notamment résulté que Deutsche Bank Trust Company Americas, l’une de ses filiales américaines, n’a pas correctement évalué le collatéral apporté en garantie de prêts risquant d’aboutir à un défaut de paiement. La Fed a donné à la Deutsche jusqu’à mi-2015 pour remédier à ses manquements.
Développer un point de vue critique sur la régulation financière américaine n’empêche pas de constater que les autorités en charge font preuve de moins de mansuétude que leurs homologues européens, qui continuent de protéger leurs banques en masquant les faiblesses intrinsèques de celles-ci pour s’en remettre à elles. Serait-ce pour cette même raison que les gouvernements allemand, britannique, italien et français envisageraient de demander l’inscription au prochain G20 de Brisbane (Australie), en novembre prochain, de la question de la surveillance « extra-territoriale » des autorités américaines, afin qu’elles y échappent ? Était-ce toujours pour celle-ci que les banques européennes, appuyées par la Commission, cherchent à obtenir du Traité transatlantique en discussion des assouplissements de la régulation dont elles font les frais, et que l’administration américaine s’oppose à ce que les services financiers y soient inclus, n’y étant pas favorable ? Comme quoi, il ne faut pas se fier aux apparences !
En réalité, les mégabanques font cause commune lorsque nécessaire, qu’elles soient d’origine américaine ou européenne, intervenant sur le même marché mondial de la finance, et leur concurrence s’efface devant leurs intérêts partagés. Ainsi, les banques américaines voient d’un bon œil l’offensive des européennes, attendant qu’elle les soulage de la pression qu’elles subissent. Ensemble, elles font le calcul que les tentatives de raccordement de législations et de réglementations disparates des deux côtés de l’Atlantique les feront bénéficier du moins disant réglementaire à leur avantage réciproque. Le moment arrive !