Billet invité.
Tenter de décrire un nouveau monde trop méconnu, celui des temps présents, dévoile des aspects de son fonctionnement ne figurant pas dans les récits qui en sont communément faits et dans lesquels nous nous reconnaissons. Cette opacité est à l’origine d’un sentiment diffus et confus se traduisant par le fameux « on nous cache quelque chose ! ». Celui-ci alimente les croyances complotistes latentes et enfouies, refuge tout trouvé pour se prémunir de la complexité du monde et la difficulté d’en comprendre les tenants et les aboutissants. Ainsi que pour voter à tort et de travers par défaut.
L’actualité ne manque pas d’occasions de l’illustrer. Dernière en date aux Etats-Unis, la nomination de Keith Alexander – l’ancien responsable de la National Security Agency (NSA) – comme consultant d’un groupe chargé d’assurer la coordination entre le gouvernement et les banques en matière de lutte contre les attaques informatiques. L’honorable espion s’est en effet reconverti et a fondé une société au nom évocateur : IronNet Cybersecurity Inc., puis a prospecté avec succès en dépit de tarifs estimés à un million de dollars par mois.
La Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA), un important lobby des banques, a confirmé cette nomination, arguant du fait que les procédures de concertation actuelles devaient être « plus rapides, plus en temps réel » et étaient dépassées, mettant en avant que des terroristes pouvaient acquérir les connaissances acquises par certains États permettant d’opérer des attaques susceptibles de faire sombrer des banques en détruisant leurs banques de données, ou de faire chuter le réseau de transport de l’électricité (évocation destinée à justifier sans appel l’initiative).
Mais la mission précise de ce groupe a-t-elle été clarifiée ? Alan Grayson, député démocrate connu aux États-Unis pour avoir comparé le Tea Party au Ku Klux Klan, ainsi que pour ses positions inquisitrices vis à vis de l’industrie financière ou favorables à la réforme de la santé, a sauté sur l’occasion. Le membre de la Chambre des représentants a relevé qu’il ne voyait pas comment il pourrait être évité que le nouveau consultant révèle des informations classifiées. Il a aussi réclamé que le Congrès « garde un œil » sur cette initiative, arguant de la participation des banques à ce qui pourrait ressembler à un conseil de guerre, étant donné le caractère par nature secret de la guerre électronique. En d’autres termes, que son caractère défensif avoué ne garantissait pas que des actions préventives ne soient pas décidées en son sein…
Après cela, allez expliquer que le monde n’est pas dirigé par une assemblée toute puissante planquée on ne sait où et disposant de toutes les leviers de commande, avec comme conséquence implicite qu’il n’y a rien à faire pour s’y opposer ! Dure est la vie d’un chroniqueur au creux de l’été…