Billet invité.
En choisissant de fermer les yeux, Angela Merkel et François Hollande ont sciemment décidé de laisser passer l’occasion d’imposer un cessez-le feu en Ukraine et de porter un coup d’arrêt au soutien russe aux séparatistes ukrainiens de l’Est. Et les autorités américaines – qui pointent du doigt les Russes – peuvent difficilement rendre publics les éléments dont ils disposent sans prendre à contrepied leurs alliés européens. Une division qui n’est pas nouvelle vis à vis de la Russie et dont Vladimir Poutine a usé et abusé.
Depuis le début des évènements ukrainiens, ce dernier s’est réfugié dans la plus parfaite des mauvaises fois, masquant l’intervention russe par de multiples subterfuges – comme la présence de troupes en uniforme sans signes distinctifs – avant d’armer, encadrer et financer une petite armée de volontaires favorables au rattachement à la Russie. Désormais entérinée comme un fait accompli faisant à nouveau des Tatars les victimes de l’histoire, l’annexion de la Crimée n’a pas suffi, et une large partie de l’Est de l’Ukraine où est concentrée la population russophone a pour vocation de faire sécession, l’instauration de la « République populaire du Donetsk » le concrétisant.
Le gouvernement russe poursuit sa stratégie de reconstitution de la Grande Russie sur les décombres de l’URSS. Hier, en 2008, c’était l’Ossétie du Sud géorgienne et l’Abkhazie qui l’intégraient sous la protection de l’armée russe, ce pourrait être demain le tour de la Transnitrie moldave. A cette fin, le gouvernement russe exerce une pression commerciale insoutenable sur la Moldavie. En mai dernier a été signé l’accord fondateur d’une Union économique eurasiatique, le grand projet de Vladimir Poutine auquel il n’a pu rallier l’Ukraine qui en était le gros morceau. Un accord a été alors signé avec le Kazakhstan et la Biélorussie, qui a renforcé l’intégration économique de ces trois ex-républiques de l’Union soviétique, déjà membres d’une union douanière. L’Arménie et le Kirghizstan pourraient les rejoindre.
Les dirigeants européens ont choisi de ne pas entraver ce processus, quitte à fermer les yeux sur ses faux-frais en n’étant pas trop regardants sur les moyens employés pour le faire progresser. Que la destruction du vol MH 17 – un crime de guerre incontestable – rejoigne d’autres grands mystères non expliqués ne déparerait pas dans le cadre de cette politique. Mais John Kerry, le secrétaire d’État américain, en perturbe l’application en déclarant cet après-midi à propos du système de missiles : « Il est assez clair qu’il s’est agi d’un système qui a été transféré de Russie et remis aux mains des séparatistes ». Toujours sur le réseau de télévision américaine NBC, il a ajouté qu’il existait « des preuves circonstancielles extraordinaires », révélant que la trajectoire et l’heure du tir missile était connue des autorités américaines, ainsi que la localisation de son point de départ.
Ne pouvant rester inertes, les dirigeants allemands, britanniques et français ont menacé la Russie de nouvelles sanctions si Vladimir Poutine n’obtenait pas des sécessionnistes un accès « libre et total » à la zone du crash, focalisant l’attention sur une question devenue secondaire si le ménage a entretemps été fait, comme il est vraisemblable.