Billet invité
La baudruche s’est vite dégonflée. L’embellie sur le titre de la BES (Banco Espírito Santo) n’a duré que l’espace d’une séance et, dès ce matin, la chute reprenait de plus belle. Après la dégradation de la BES par Standard & Poor’s mercredi, c’est Moody’s qui a pris le relais ce matin en baissant de deux crans la note de la dette à long terme du premier actionnaire de la banque, Espirito Santo Financial Group (ESFG), pour la fixer à « Ca », qui signifie en défaut avec quelques espoirs de recouvrement. Facteur paraissant aggravant, l’interdiction de la vente à découvert sur les titres de la BES n’a pas été renouvelée aujourd’hui, mais en réalité la spéculation avait trouvé une autre voie la veille. En ramassant des titres, des investisseurs avisés ont tout simplement fait un aller-retour et pris au passage leur bénéfice, refaisant alors plonger le titre.
Dans l’hypothèse d’un sauvetage de la BES impliquant l’application de la formule du bail-in, qui en ferait les frais ? Qui sera atteint en tant que partenaire ou créancier par la chute du groupe ? Ces questions appellent une réponse. Le pari consistant à isoler la BES pour la protéger de l’effondrement du groupe et de la vente par appartement de ses entités non-financières n’est pas spécialement en voie d’être gagné. Pas plus qu’il ne va pouvoir être évité de significatifs effets collatéraux touchant une économie portugaise déjà très affaiblie. On reparlera de la sortie triomphante du pays de son plan de sauvetage…
La passivité de la Banque du Portugal est d’ores et déjà mise en cause, rappelant les précédents des banques BPN et BPP, qui avaient été finalement secourues par le gouvernement. Car il se confirme qu’une alerte avait été lancée dès 2012 par KPMG, dont il n’a été que très tardivement tenu compte : un fonds d’investissement contrôlé par le groupe vendait autant qu’il pouvait de la dette à court terme d’Espirito Santo International (ESI) à la clientèle de la BES. En cas de restructuration de ESI, quel sera le statut de cette dette et comment réagiront ses détenteurs, qui seront fondés à se pourvoir en justice ?
Tout en reconnaissant que c’était une mesure de dernier recours, la ministre des finances a aujourd’hui déclaré au Parlement que le gouvernement ne préparait pas la recapitalisation de BES, se réfugiant derrière la déclaration de la Banque du Portugal selon laquelle rien n’indiquait qu’elle soit nécessaire. Elle a aussi rappelé que dorénavant « les actionnaires et les créanciers sont appelés à partager les pertes préalablement à l’intervention publique ». Propre à dédouaner le gouvernement, cette déclaration ne va pas rassurer. Pas plus que les démissions au sein du groupe familial dont les annonces se succèdent depuis hier : celle du président de la structure de tête du groupe, Espirito Santo control, et de plusieurs administrateurs de Espirito Santo Financial Group (ESFG).