Billet invité
La Commission a enjoint le gouvernement portugais de « présenter dans les plus brefs délais des mesures alternatives » à celles qui ont été retoquées par le Conseil constitutionnel du pays, afin que le Portugal « puisse respecter les objectifs auxquels il s’est engagé ». À l’occasion de sa distribution de bons et mauvais points d’hier, le gouvernement français a par contre bénéficié d’un tout autre traitement : « la stratégie budgétaire présentée dans le programme n’est que partiellement conforme aux exigences du pacte de stabilité et de croissance », mais ses mesures « vont clairement dans la bonne direction ».
Venant confirmer que devant les faits il n’y avait pas d’autre solution que de finalement s’incliner, Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, s’est résolu à déclarer dans la presse allemande « Il est possible que la Grèce ait à nouveau besoin d’aide, d’un montant limité », oubliant les promesses de restructuration et ne faisant encore qu’effleurer le sujet. Ce qui augure de nouvelles contraintes pour le gouvernement grec qui cherche à les éviter. La brillante approche des autorités européennes n’a pas changé, frappant les faibles et épargnant les puissants, n’agissant qu’à la dernière minute dans l’improvisation pour gagner du temps.
Elle va se poursuivre car ni l’Italie, ni la France, ni l’Espagne ne s’inscrivent dans la trajectoire budgétaire qui leur est impartie, Matteo Renzi revendiquant des changements et François Hollande espérant en profiter en jouant le fait accompli. Le film n’est plus le même : insensiblement, un plan A’ va s’esquisser fait d’assouplissements et de délais de circonstance limités et successifs qui vont être consentis forcés et contraints aux uns et aux autres afin de sauver ce qui peut encore l’être : les apparences.
Qui a en prologue déclaré hier : « Quand un pays veut investir de façon ciblée et précise dans l’emploi ou la formation, nous ne devrions tout de même pas l’en empêcher. Le Pacte de stabilité a besoin de plus d’intelligence pour certaines dispositions » ? L’auteur de ce ballon d’essai n’est autre que Michael Roth, le secrétaire d’État allemand aux Affaires européennes, membre du SPD. Mais si les modalités du Pacte vont devoir être adaptées, le cœur même de la stratégie dont il est l’expression restera inchangé et continuera de buter sur un désendettement insoutenable dont la poursuite, si le mode n’en est pas changé, ne garantit qu’une seule issue : la pire.
L’énumération par la Commission des mesures aimablement suggérées au gouvernement français montre le chemin que les esprits doivent encore parcourir. Il n’est question que de gel des retraites et d’autres prestations sociales, d’évolution du salaire minimum « propice à la compétitivité et à la création d’emplois » et de réforme des allocations chômage afin que le système « encourage de manière adéquate le retour à l’emploi »… Ce menu réchauffé montre entre autres que toutes les leçons des dernières élections européennes n’ont pas été pleinement tirées à Bruxelles.
Il n’est pas davantage pris en compte le danger déflationniste qui se précise. L’inflation allemande rendait hier encore présentable à 0,7 % l’inflation moyenne en zone euro, masquant qu’elle était négative ou quasiment à zéro dans six pays en avril dernier. Il n’en est plus rien : la chute du taux allemand qui est intervenue le mois dernier la détériore, faisant redescendre sa moyenne pour la zone à 0,5 % (selon l’annonce d’Eurostat aujourd’hui). Ce qui accrédite que la poussée déflationniste s’accroît, au risque d’une franche entrée en déflation qui prend consistance. Une situation qui alourdirait encore le désendettement, surtout si les taux du marché obligataire – anormalement bas – en venaient à remonter.
Tant espérée, l’annonce pressentie de nouvelles mesures par la BCE pourrait intervenir jeudi prochain, mais la montagne va accoucher d’une souris. Présenté comme acquis, un nouveau programme de prêts à moyen terme aux banques (type LTRO) s’imposait de toute façon, afin que les plus mal en point d’entre elles puissent financer en fin d’année leurs remboursements. S’il est habillé de contraintes – du genre volume obligatoire de crédit accordé aux entreprises – on se rappellera l’insuccès de ce type de mesures lorsqu’elles ont été prises par la Banque d’Angleterre. Afin d’inciter également les banques à développer le crédit, le passage en territoire négatif du taux de dépôt à la BCE sera de peu d’effet, car elles pourront toujours mettre à l’abri leurs liquidités en augmentant leurs réserves et non plus en utilisant les facilités de dépôt. La baisse du taux directeur principal, qui dès lors avoisinera zéro, ne fera que rendre plus profitables les opérations de marché. Quant au soutien à la titrisation des crédits aux PME, les analystes n’en attendent pas de miracles question relance, en raison de la faiblesse générale de la demande. C’est d’abord une mesure indirecte de soutien aux banques face à l’accroissement du taux de défaut des PME qu’elles enregistrent.
Faute d’une politique adéquate d’ensemble, des mesures de relance dont le financement est bricolé sont annoncées en Espagne et en Italie. Dans l’air du temps et sur le mode adopté par le gouvernement français, Mariano Rajoy a décidé d’une baisse des impôts pour les entreprises, ainsi que d’autres mesures à venir destinées à réindustrialiser le pays, le tout représentant une enveloppe de 6,3 milliards d’euros ; Matteo Renzi a rendu public avant les élections européennes un plan de 10 milliards d’euros. Il comporte aussi une diminution des impôts de même nature, qui a l’avantage de ne pas avoir à être financée, mais l’inconvénient de réduire les recettes de l’État et de rendre au bout du compte son désendettement plus difficile. Mais, dans un contexte où les grandes entreprises préfèrent distribuer des dividendes ou procéder à des rachats d’action, un autre bénéfice que celui des actionnaires n’en est pas assuré.
Du côté des misérables, deux millions et demi d’enfants espagnols sont proches de sombrer dans la pauvreté, selon l’ONG spécialisée Educo. Sans eau ni électricité à la maison, leurs parents ne peuvent plus payer la cantine et les livres scolaires, ayant tous deux perdu leur emploi. Les cas de maltraitance liés à la pauvreté s’accroissent.
Encore bravo !