Billet invité.
A leur rythme, de nouvelles révélations sur les activités d’espionnage tous azimuts de la NSA font surface. On a ainsi appris sur « The Intercept » que les quelques 300.000 habitants des Bahamas font l’objet d’une surveillance individuelle – à titre de banc d’essai est-il supposé – en s’abritant derrière un programme autorisé de la DEA, l’agence américaine de lutte contre la drogue. D’autres pays bénéficient sur différents continents de cette attention particulière : le Mexique, les Philippines, le Kenya (collecte des métadonnées uniquement pour eux trois) et un pays dont le nom n’a pas été dévoilé dont toutes les conversations sont comme aux Bahamas enregistrées.
D’autres aspects de l’activité de la NSA sont dévoilées. La parution dans No Place to Hide (Nulle part où se cacher), le livre de Glenn Greenwald, de photos illustrant le chargement sur des routeurs et serveurs, après interception au cours de leur livraison, de logiciels permettant ensuite d’accéder aux réseaux où ils sont connectés a déclenché la réaction publique du PDG de Cisco, un grand équipementier américain des télécoms. Dans un courrier à Barack Obama, John Chambers se plaint des pratiques de la NSA et prévient que « nous ne pouvons simplement pas fonctionner comme cela » car « si ces allégations sont vraies, ces actions nuiront à la confiance dans notre secteur et à la capacité des entreprises de technologie à fournir des produits à l’échelle mondiale ».
Microsoft a déjà fait les frais des poursuites engagées par le gouvernement américain à l’encontre de cinq officiers de l’armée chinoise accusés d’espionnage industriel et de piratage informatique. Celles-ci faisaient suite à des discussions sur la cybersécurité engagées l’été dernier entre les autorités américaines et chinoises, qui n’ont pas abouti chacun accusant l’autre. Les Américains s’inquiètent en raison de l’ampleur des activités chinoises aux États-Unis (ainsi que les autorités allemandes). Mais le gouvernement chinois a eu beau jeu de faire état des activités américaines « dans de très nombreux pays du monde » et de parler d’« hypocrisie ». Sa réponse ne s’est pas fait attendre, sous la forme d’une note interdisant à toutes les institutions gouvernementales l’utilisation du nouveau système d’exploitation de Microsoft, Windows 8.
Au pays de l’acronyme-roi, la loi réformant les activités de la NSA n’a pas manqué de l’illustrer : elle s’appelle USA Freedom Act pour « Uniting and Strengthening America by Fulfilling Rights and Ending Eavesdropping, Dragnet Collection, and Online Monitoring Act » (ce qui donne à peu près ceci : loi destinée à unir et renforcer l’Amérique en amplifiant les droits et en mettant un terme aux écoutes, à la collecte des données à la drague et à la surveillance en ligne). Déjà très critiquée pour laisser intacts des pans entiers de l’activité de la NSA – en particulier sur Internet – et de se limiter à son activité sur les réseaux téléphoniques. Elle vient de surcroit d’être amendée in extremis avant que le Congrès ne l’adopte probablement (elle est bipartisane).
Dans cette nouvelle version, les requêtes de la NSA auprès d’une cour secrète afin d’obtenir le droit de recueillir des métadonnées (sur la base d’un « soupçon raisonnable ») pourront ne plus porter sur un seul numéro d’appel mais également sur une « entité », qui n’est pas précisée. Celle-ci pourrait aussi bien être un routeur qu’un code postal, permettant à nouveau de ratisser large. Cette filouterie n’a rien de surprenant si l’on pense aux récentes lois financières faisant des centaines de pages où vont se nicher en ayant l’air de rien des termes ambigus qui sont autant de failles. Connaissant la musique, la coalition formée par AOL, Apple, Dropbox, Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Twitter et Yahoo! a immédiatement fait connaître son opposition à ce texte au nom de ses intérêts bien compris.
Selon un ancien agent du FBI interviewé par « The Intercept », « les services de renseignement agissent d’une manière qui, sur le long terme, peut nuire à ses intérêts [des États-Unis] et mettre en péril la sécurité nationale ». Voilà qui va plus loin encore que la menace commerciale pesant sur les équipementiers ou les sociétés de service…