Billet invité
Dans la dernière livraison de son rapport annuel qui, à le lire, semble plus consacré à l’instabilité qu’à la stabilité financière mondiale – son titre générique – le FMI multiplie les mises en garde. Dépassant aujourd’hui le montant de 800 milliards de dollars, le stock des créances douteuses des banques de la zone euro a selon lui doublé depuis 2009, plus particulièrement dans les pays périphériques en grande difficulté financière. C’est le résultat du ralentissement économique ainsi que du poids de la dette des entreprises. En conséquence, « les dirigeants de la zone euro font face au difficile défi d’accélérer l’assainissement des banques et des bilans des entreprises sans compromettre le retour de la confiance des marchés » constate le Fonds, qui n’est pas trop disert au chapitre des solutions, si ce n’est en préconisant que la BCE s’assure de « solutions de secours ». S’il est fait référence à l’Union bancaire, c’est mal parti, le Fonds ne dissimulant pas par ailleurs son scepticisme par rapport au mécanisme de résolution bancaire adopté et à ses capacités financières.
Outre-Atlantique, le Fonds s’inquiète de la « course au profit » qui y est enregistrée et qui s’accélère, se traduisant par « un endettement croissant » du secteur privé. Les mauvaises habitudes d’avant 2007 réapparaissent sur les marchés de la titrisation et des junk bonds (les obligations à haut risque et haut rendement), en raison d’une forte demande des investisseurs pour à la fois les taux bas (pour emprunter) et les taux hauts (pour spéculer). Pour un peu, on en oublierait ici comme là cette terrible menace de la dette publique qu’il faut prioritairement résorber de toute urgence, et on en viendrait à reconnaître que, publique ou privée, la dette a atteint des montants insoutenables et qu’il faut pour le moins cesser d’en fabriquer en spéculant, et pour cela interdire les instruments financiers qui n’ont pas d’autre utilité.
Après Mario Draghi, Wolfgang Schäuble a été piqué au vif par les propos du FMI et « n’en peut plus » du débat qui oppose austérité et croissance. Considérant l’équilibre du budget, investissement compris, comme étant l’excellence en tout temps, les conseils de stimulation de la demande intérieure et d’investissement que le FMI prodigue à l’Allemagne sont pour lui irrecevables. Tout comme l’étaient ceux qui étaient adressés à la BCE, afin qu’elle assouplisse sa politique monétaire en baissant ses taux ou en adoptant des mesures destinées à aider financièrement les PME. Là encore, le Fonds reconnaît que les solutions sont « complexes », mobilisant à la fois la BCE et les États, impliquant de lutter contre la désinflation et de « préparer le terrain à une reprise plus forte et plus durable (…) tout en garantissant la stabilité financière »… Question conseils plus ou moins appuyés, cela ne manque pas, mais au chapitre des préconisations, on reste sur sa faim. On piétine !
PS : Il va être fait grand cas d’une émission à cinq ans de dette grecque qui aura lieu demain jeudi, avec pour objectif de recueillir 2,5 milliards d’euros. Un coup de pouce pré-électoral va être donné à Antonis Samaras, le premier ministre de droite, qui va pouvoir se prévaloir d’un retour sur les marchés. Il serait intéressant d’identifier les investisseurs anonymes qui vont y contribuer. Les banques grecques en service commandé, ou, plus subtil, d’autres banques de la zone euro qui se délesteront ultérieurement des titres auprès de la BCE en les utilisant comme garantie de leurs emprunts ? Les voies de Dieu sont impénétrables.