Billet invité.
« L’horizon bancaire se dégage », titre l’éditorial de l’AGEFI hebdo, une publication qui couvre « tous les métiers de la finance » pour ceux qui les exercent. Le journal traduit un soulagement manifeste au sein de ces honorables professions, qui vont enfin pouvoir penser à l’avenir, se consacrer à l’élaboration de leurs plans stratégiques, et dépenser moins d’énergie dans des batailles défensives contre des dangers réglementaires qui s’amenuisent. Rien qui ne soit trop étonnant, à vrai dire, au risque de se répéter.
Résumons-nous. Avec le Comité de Bâle, la situation est bien en mains. A force d’assouplissements, les ratios que les banques doivent à terme respecter sont tour à tour émoussés, et il en reste encore qui vont subir ce sort : son approche initiale s’est « apaisée », constate le journal. Du côté des taxes, dont les projets ont eu tendance à fleurir, l’élan est brisé. La perception de celle qui devrait abonder le fonds de résolution de l’Union bancaire s’étendra sur une dizaine d’année pour atteindre la mirifique somme de 55 milliards d’euros, si toutefois le projet global est entériné par le Parlement européen. Saluant favorablement ce qu’elle a qualifié « d’avancée » – ce qui incite à s’interroger – la Fédération française bancaire n’a pas manqué de demander que la taxe systémique déjà adoptée en France soit affectée à ce fonds de résolution, diminuant d’autant la nouvelle contribution. En précisant à toutes fins utiles que cette confusion est « impérative ».
« L’ère de la grande régulation toucherait à sa fin et (…), l’heure de tourner la page de crise financière aurait sonné », croit pouvoir pronostiquer l’éditorialiste de l’AGEFI hebdo. D’autant que le projet de directive de la Commission instituant une séparation des activités bancaires qui sera présenté avant la fin du mois n’est plus une inconnue, les informations circulant à son propos apaisant les esprits. Ses dispositions s’inscriraient nettement en retrait des préconisations du rapport Liikanen commandé par la Commission, laissant aux superviseurs (la BCE pour les banques des pays de la zone euro) le soin de décider des transactions représentant un risque systémique, et devant à ce titre être effectuées séparément des autres, suivant des modalités dont il faudra examiner avec soin les détails et qui ne concerneront en tout état de cause qu’une trentaine de banques.
Avec l’accord intervenu au bout de deux ans de négociations entre le Parlement et le Conseil européens à propos de l’encadrement des marchés financiers, le paysage s’est également éclairci. Les limites qui pourront être imposées aux traders en terme de volume d’activité de leurs opérations spéculatives sur les matières premières seront déterminées par les autorités nationales. En fait d’encadrement européen, on a vu mieux ! La course au moins-disant est ouverte.
Mais c’est une autre image qui se présente lorsque l’on contemple le nouveau panorama. D’un côté, au nom de la concurrence, on observe la multiplication des plate-formes d’exécution des ordres et l’éclatement du marché en de multiples intervenants, et de l’autre la concentration du risque dans des chambres de compensation, au nom cette fois-ci de sa prévention. La complexité en sort accrue et la capacité des régulateurs à surveiller cette masse de données éparpillées diminuée. Le fonctionnement des marchés est dominé par la poursuite de la montée en puissance du trading à haute fréquence et des dark pools, au sein desquelles les transactions sont masquées, n’en laissant apparaître le résultat qu’une fois celles-ci conclues. Dans les deux cas, des primes sont données aux grands intervenants, dont les banques forment le gros du troupeau.
Cela ne les empêche pas de dénoncer régulièrement une autre prime, qui serait accordée au shadow banking par les régulateurs. Dans la compétition qui oppose les membres de ce dernier aux banques, il n’y a rien à gagner. Ce qui met en évidence que ce ne sont pas les structures qu’il faut mieux encadrer afin de pallier les dysfonctionnement de marché, mais des instruments financiers qui devraient tout simplement être proscrits, et dont l’intégrité est au contraire soigneusement préservée. Les lois et règlements y gagneraient en concision et en efficacité et il n’y aurait pas de privilégié !
Pas un mot dans tout cela de l’examen des bilans bancaires de la BCE dont le résultat ne semble pas être trop redouté, quand bien même celle-ci chercherait à se donner les moyens d’y voir un peu plus clair. Sans filet de sécurité, car l’Union bancaire est de même nature que le programme OMT d’achats de titres de la BCE et n’est pas destiné à fonctionner, celle-ci ne va pas prendre de risque car elle devrait assumer la situation qui en résulterait.