Billet invité
En prologue de son analyse des bilans de 128 banques européennes, la BCE vient comme prévu de calmer le jeu, confirmant qu’elle entend aborder ce périlleux exercice non sans complaisance. Dévoiler la réalité, c’est replonger l’Europe dans une crise aiguë, trop la masquer c’est perdre toute crédibilité.
Dans une lettre à Sharon Bowles, la présidente de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, Mario Draghi donne des assurances à propos du traitement réservé aux obligations souveraines. Elles ne feront l’objet d’aucune dépréciation lors de l’examen, à la seule condition que les banques aient prévu de les conserver jusqu’à leur maturité, lorsqu’elles sont remboursées au nominal, si ni un défaut, ni une restructuration ne sont entre-temps intervenus, et si elles n’ont pas été apportées en garantie… à la BCE. On sait comment les banques jouent de ce classement entre banking book et trading book afin de ne pas dévaloriser leurs actifs et améliorer leur bilan, quitte à revenir dessus quand l’occasion se présente. Les actifs destinés à être détenus jusqu’à échéance sont rangés sur la première étagère et ceux qui font l’objet de négociations sur la seconde.
Comme si cela ne suffisait pas, il serait prochainement décidé, selon Reuters, une nouvelle définition « simplifiée » des actifs qui doivent être considérés comme douteux, qui permettra de minorer le volume des actifs considérés comme tels, impliquant de procéder à leurs dépréciations. Une harmonisation des définitions était nécessaire, en raison des disparités suivant les pays, mais les banques ont obtenu que la définition initiale envisagée en octobre dernier soit revue.
Dans un autre secteur financier, des bonnes nouvelles saluées comme « une avancée décisive » par Michel Barnier, le commissaire en charge du marché intérieur et des services, notamment financiers, sont également enregistrées. Un accord est intervenu entre le Parlement européen et le Conseil européen (représentant les États) à propos de la proposition de révision de la directive sur les instruments financiers (Mifid). L’objectif est « de rendre les marchés plus sûrs et plus efficaces ». Que l’on en juge : les opérateurs de trading à haute fréquence (THF) devront prévoir des « coupe-circuits » afin de prévenir l’emballement des transactions et les algorithmes qu’ils utilisent devront être soumis à autorisation, le tout sous peine de sanctions… administratives. On ne pouvait faire moins.
Les autorités régulatrices nationales auront par ailleurs la possibilité d’imposer des limites aux positions des traders sur le volume des produits dérivés qu’ils détiendront sur le marché des produits agricoles et des matières premières, énergie compris. Le principe est acté, mais l’application sera une toute autre affaire, car tout dépendra des limites décidées ! Les lobbies ont du pain sur la planche. Aux États-Unis, des mesures sont également envisagées sur ces mêmes marchés par la Fed, mais elles consisteraient à uniquement revenir sur l’autorisation accordée aux grands intervenants bancaires de détenir des matières premières proprement dites – et non des titres – car ils influaient sur les prix du marché par le biais de leur stockage.
Ne poussez pas, il y en aura pour tout le monde !