Billet invité.
Le fait de sortir d’un plan de sauvetage vaudrait-il satisfecit d’une politique en déroute ou représentera-t-il simplement un soulagement très relatif pour ceux qui en subissent les effets ? Même la seconde de ces hypothèses est hasardeuse. Après l’Irlande, l’Espagne, la Grèce et le Portugal vont chacun tenter de tourner une terrible page. Mais au-delà du symbole, rien ne va changer et le retour sur le marché n’aura rien de la rentrée triomphale annoncée.
Les banques espagnoles auront absorbé 41,3 milliards d’euros d’aide du Mécanisme européen de stabilité (MES), via l’État espagnol dont la dette aura gonflé d’autant, qu’elle soit ou non comptabilisée dans le calcul du seuil fatidique de 60%. Mais elles accumulent un taux de créances douteuses de 13% et un stock de 1,5 millions de logements reste invendu sur le marché, dont elles supportent le poids financier. Les fonds d’investissement se précipitent de l’étranger vers ces soldes de rêve mais seront loin de pouvoir tout éponger. Quel bilan peut-il être dans l’immédiat présenté ? Les mesures qualifiées par l’OCDE de « renforcement du marché de travail » ont abouti à un taux de chômage de 26,7% (la moitié des chômeurs est sans travail depuis plus d’un an). 54,4% des 16-24 ans sont au chômage. Constatant que « les indemnités de licenciement sont parmi les plus généreuses en Europe », L’OCDE préconise de les réduire. Bonne nouvelle ! « L’Espagne ne demandera pas de programme d’assistance supplémentaire », a indiqué le MES.
Après avoir bénéficié de 240 milliards d’euros de crédits, la Grèce va en 2014 redevenir « un pays normal comme les autres et retournera sur les marchés », a déclaré son premier ministre Antonis Samaras, n’ayant pas selon lui besoin de nouveaux accords d’assistance. « La dette sera officiellement déclarée viable » a-t-il étrangement ajouté en se réfugiant derrière cette reconnaissance qui s’appuie sur une très timide sortie de la profonde récession dans laquelle le pays a été plongé pendant six ans. Plus prudent, Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, a reconnu dans le quotidien Bild qu’une décision à propos de la suite des opérations sera prise mi-2014, tandis qu’un nouvel épisode de négociations tendues avec la Troïka se prépare début janvier et que le pays continue de vivre sans illusions « une crise humanitaire » comme l’a dénoncé le parti Syriza.
Le programme de 78 milliards d’euros de crédits dont a bénéficié sous conditions le Portugal va se terminer en mai prochain, mais le premier ministre Pedro Passos Coelho a bâtit ses vœux de Nouvel an autour d’une idée forte : « il reste des incertitudes et des obstacles à surmonter (…) c’est une année pleine de défis ». Devant le danger que le Portugal devienne une deuxième Grèce, le commissaire européen Olli Rehn – en pleine campagne pour succéder à José Manuel Barroso à la présidence de la Commission – n’a pas fermé pas la porte à une aide supplémentaire, à condition naturellement que les réformes en cours se poursuivent. « Il est normal de s’interroger sur ce qui va arriver, mais donner une réponse à l’heure actuelle relèverait de la pure spéculation » a-t-il conclu, tout aussi évasif que Mario Draghi, le président de la BCE, qui avait précédemment évoqué un programme « dont on verra la forme qu’il prendra ».
On ne change pas une politique qui perd, devraient-ils tous reconnaître ! Avec comme seul espoir de ne pas en aggraver les effets, ayant de fait abandonné celui d’en voir avant longtemps – ou même jamais – le résultat annoncé. Tout va dans l’immédiat reposer sur la poursuite de l’accalmie enregistrée sur le marché obligataire, aux bons soins de la BCE, avec comme perspective une remontée générale des taux sous l’impact de la diminution des achats de titres de la Fed aux États-Unis, aboutissant… à une augmentation du coût de la dette.