Billet invité.
« C’était cela ou rien », aurait avoué un des négociateurs de l’union bancaire qui, passé le temps des congratulations devant les caméras, a vite soulevé un vent de grand scepticisme. Disant exprimer un sentiment traversant tous les groupes politiques, le président du Parlement européen, Martin Schultz, n’a pas mâché ses mots en parlant de « la plus grande erreur dans la lutte contre la crise jamais commise » et en annonçant « de très longues négociations » avec le Parlement, dont l’accord est indispensable. Ce qui prend à contre-pied les ministres qui étaient tétanisés à l’idée que celui-ci ne puisse pas intervenir avant son renouvellement à la suite d’élections dont ils craignent le résultat. Relevant que cette union bancaire n’en était pas une, Martin Schultz en a tiré la conclusion qu’un tel dispositif amoindrirait la confiance et accroitrait la pression des marchés sur les États.
Dans ces conditions, comment la BCE pourra-t-elle procéder à son analyse des bilans bancaires, faute de filet de sécurité financier clairement établi ? Comment les taux auxquels les banques et les États se financent pourraient-ils baisser ? Les commentaires en ce sens se sont multipliés, ainsi que de sombres prévisions sur la balkanisation de l’Europe, que le repli des capitaux derrière leurs frontières d’origine a clairement engagé : il ne suffit pas de contenir l’éclatement de la zone euro pour la faire exister.
Le Conseil européen en a été assombri, et les projets d’intégration européenne et de contrats d’Angela Merkel n’étaient plus vraiment de propos dans ce contexte. L’affaire a été pour l’instant renvoyée en juin prochain, Enrico Letta, le président du conseil italien ayant fait remarquer que si le bâton était là, les carottes ne l’étaient pas.
De quelles marges de manœuvre les dirigeants européens disposent-ils dorénavant ? Constater l’impasse politique étant impossible, il va falloir remettre sur l’établi l’union bancaire et améliorer ce qui peut l’être. Moins en terme de filet de sécurité que de simplification des procédures de décision, dont la complexité est incompatible avec la vitesse d’exécution que les crises bancaires réclament. Martin Schultz a cependant expliqué que le Parlement veut « une solution faisant du mécanisme européen de stabilité l’assureur de dernier ressort, derrière le fonds de résolution.» Cette question ayant été le principal point d’achoppement des discussions ministérielles, la balle est dans le camp du gouvernement allemand qui en a repoussé la perspective le plus loin possible !
Symbole de la situation, l’agence Standard and Poor’s vient de baisser à AA+ sa note AAA attribuée à l’Union européenne.
Errata : Les actionnaires et créanciers devront avoir contribué à la recapitalisation à hauteur de 8% minimum du passif (comme l’expliquait Paul Jorion dans son entretien sur Atlantico et non des pertes, comme écrit hier par erreur) avant qu’il puisse être fait appel au fond national abondé par les banques, et si cela ne suffit pas aux pouvoirs publics. Les banques inscrivent à leur passif les fonds propres et les fonds de tiers (dépôts et créances diverses).