Billet invité. P.J. : sur la titrisation et ses risques, on pourra relire mon billet du 26 septembre 2007 : Crise du « subprime » et titrisation.
Un important épisode de la relance à grande échelle de la titrisation, si attendue dans les milieux financiers, est en discussion aux États-Unis. Deux projets ont été présentés, l’un par un élu républicain à la Chambre des représentants, l’autre bi-partisan au Sénat. Dans les deux cas, il est question de démanteler Fannie Mae et Freddie Mac, les deux agences gouvernementales de refinancement qui garantissent les prêts immobiliers. Après avoir bénéficié en 2008 de 188 milliards de dollars d’aide de l’État qui en a pris le contrôle, afin d’éviter leur effondrement, celles-ci affichent désormais des résultats bénéficiaires et ont versé à l’État des dividendes cumulés pour une somme presque équivalente.
Des acteurs privés sont de longue date désireux de reprendre ce marché de la titrisation du crédit hypothécaire désormais rentable, dont le volume était estimé à 1.900 milliards de dollars en 2012, sur lequel Fannie Mae et Freddie Mac représentaient 1.300 milliards de dollars cette même année, le solde restant au secteur privé. Il est désormais question de créer un nouvel organisme, une assurance sur le modèle de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), qui entre autres fonctions garantit dans certaines limites les dépôts bancaires et est financée par plus de la moitié des banques de dépôt et des caisses d’épargne du pays. Le projet sénatorial a les faveurs de l’administration Obama. Dénommé Federal Mortgage Insurance Corp., il recevrait une garantie des organismes prêteurs au prorata de leurs engagements hypothécaires. La part de marché de la titrisation privée ayant considérablement chuté, l’occasion serait enfin trouvée de la relancer en grand, si tout du moins le projet aboutissait.
Loin d’atteindre le même volume financier, la titrisation des risques d’assurance est également porteuse d’espoir. On appelle ces produits des Insurance-Linked Securities (ILS), sur un marché qui comprend à la fois des émissions publiques de cat bonds (les obligations catastrophes) et des transactions de gré à gré de réassurance collatélarisée. En juin dernier, le stock global de ces titres aurait en rapide progression atteint un montant de 17,5 milliards de dollars, selon l’étude Reinsurance Market Outlook. Dans les deux cas, il s’agit pour les assureurs ou les réassureurs de transmettre au marché financier des risques qui ne peuvent pas être calculés (comme les catastrophes naturelles), en offrant des rendements pouvant atteindre jusqu’à 14 %… Sur les dix dernières années, les cat bonds ont ainsi généré un rendement annuel moyen de 8,5 %.
De nombreux fonds spécialisés dans cette classe d’actifs voient actuellement le jour. C’est par milliards de dollars que les capitaux affluent à nouveau sur ce marché, les investisseurs prenant toutefois des précautions qui laissent rêveur (pour ne pas avoir été prises auparavant), notamment à propos de la qualité et de la disponibilité du collatéral… Mais les chausse-trappes sont nombreuses et demandent aux investisseurs d’être particulièrement avertis, noyés sous une documentation dont des détails peuvent compter. Le nouvel essor de ce marché a pour origine la recherche d’actifs à fort rendement par de nouveaux investisseurs comme les fonds de pension et les assurances-vie, qui prennent la succession des hedge funds : rien ne garantit donc qu’il en sera ainsi.
Présentée comme encadrée, les leçons du désastre précédent étant tirées, la relance de la titrisation n’est-elle pas porteuse de nouveaux périls, lorsque l’on constate le comportement passé des banques, non seulement sur ce marché, mais à l’occasion des manipulations d’indices et de prix qui ont été depuis dévoilés ? Le cocktail d’une appréciation du risque plus complexe et de la tentation accrue de rendements plus forts de nouveaux venus sur le marché pourrait ne pas réussir à ces derniers.