Billet invité.
Sous l’appellation « contrat de réforme », une nouvelle gracieuseté est annoncée à l’occasion du sommet européen des 19 et 20 décembre. Elle n’y sera toutefois esquissée que dans ses grandes lignes, car la réunion devrait être prioritairement consacrée à un sujet qui continue de fortement diviser : la conception des deux piliers manquants de l’union bancaire, respectivement intitulés mécanisme et fond de résolution. Afin de relancer la discussion sur de nouvelles bases en raison de son blocage, et de manière impromptue vu l’urgence, Wolfgang Schäuble a aujourd’hui invité à Berlin Pierre Moscovici et Jeroen Dijsselbloem, le chef de file de l’Eurogroupe, en présence de Michel Barnier de la Commission. Selon les informations disponibles, il proposerait que le vote à l’unanimité soit adopté pour le fonctionnement de l’union bancaire sur les questions faisant désaccord, donnant à l’Allemagne un droit de veto en son sein. De fait, celle-ci se résumerait alors à un réseau de superviseurs nationaux.
Le gouvernement allemand refuse toujours toute forme de mutualisation financière, que ce soit au niveau des États, via le Mécanisme européen de stabilité (MES), ou même des banques semble-t-il. Ce faisant, il reporte sur les États la charge financière d’éventuels renflouements des banques, et incite la BCE à ne pas charger la barque lors de son examen des bilans bancaires. Le traité de coalition allemand prévoit certes que « les moyens budgétaires affectés au sauvetage des banques ne seront pas comptabilisés dans les critères des 3% de déficit du Pacte de stabilité », mais la recapitalisation des banques se réalisera au détriment de la diminution de la dette, en cas d’excédent primaire comme annoncé en Grèce, et rendra encore plus inévitable sa restructuration ultérieure. Ce ne sera pas la même barque qui sera chargée.
Dans l’esprit de leurs promoteurs allemands, les « contrats de réforme » représentent l’étape d’après. Ceux-ci visent à enserrer les gouvernements dans des contraintes accrues, après avoir défini pays par pays des programmes de réformes structurels contraignants, non sans les avoir fait préalablement adopter par leur parlement pour leur donner un vernis démocratique. A charge pour chaque gouvernement de jouer au plus fin lorsqu’il en négociera les termes, car les dés seront ensuite jetés. L’examen de passage budgétaire par la Commission actuellement en vigueur ne suffit pas dans un contexte peu favorable à la politique européenne qui est menée, et par extension à l’Europe et ses institutions.
Sous couvert de renforcement de la coordination des politiques européennes et de rétablissement de la compétitivité, la voie est toute tracée : les contrats en question doivent être, selon ce même texte du traité de coalition, « contraignants, transposables et légitimés démocratiquement ». Aucune mention n’est faite dans celui-ci des contreparties qu’Herman van Rompuy, le président de l’Union européenne, envisage pour sa part dans des documents préparatoires au prochain sommet. Un terrain sur lequel le gouvernement français voudrait agir de concert avec les Espagnols et les Italiens, afin d’obtenir des financements européens, qui pourraient reposer sur des emprunts garantis par les États, sujet éminemment scabreux s’il en est !
Tout l’art de la manœuvre va consister à se donner un peu d’air en se tirant soi-même la corde autour du cou. Autant dire que les ambitions sont limitées.