Billet invité.
La BCE a décidé de baisser à 0,25 % son taux principal, rapprochant encore de la gratuité ses opérations d’allocation de liquidité, tout en les prolongeant jusqu’à juillet 2015. Affectant de ne pas s’en préoccuper, elle entend stopper l’appréciation de l’euro par rapport au dollar, qui a été de 11,7 % entre le 24 juillet 2012 et le 1er novembre dernier.
Parallèlement, la logique déflationniste en marche dans toute la zone euro est confirmée en Italie : l’indice des prix y a baissé de 0,3 % le mois dernier, aboutissant à un taux d’inflation annuel de 0,7 % obtenu grâce à l’augmentation de 1 % de la TVA. Tout est lié : l’appréciation de l’euro ainsi que la tendance à la récession et à la déflation. La première se traduit par une baisse du PIB et de l’inflation, tandis que la déflation alourdit une fois intervenue le poids du désendettement, appelant de nouvelles mesures budgétaires restrictives pour s’en approcher. Dans l’immédiat, Mario Draghi déclare ne pas anticiper de déflation, se référant au taux d’ensemble de la zone euro, mais il reconnait « une période prolongée d’inflation basse », dont la BCE précisera sous un mois la durée approximative. « Nous n’avons pas encore atteint les limites [de notre action] » a-t-il ajouté, reconnaissant ainsi cette possibilité.
Mais la désinflation – que la BCE cherche à combattre en réduisant son taux directeur afin de stopper l’appréciation de l’euro – ne résulte pas seulement de l’impact du prix des produits importés. Elle est d’abord la conséquence directe de la politique de dévaluation interne qui est poursuivie, faite de la diminution prioritaire du déficit public et de la demande interne. Avec comme exutoire l’adoption d’un modèle reposant sur le développement des exportations grâce à un regain de compétitivité.
Celui-ci ne pouvant provenir d’une dévaluation monétaire stricto sensu dans un système ayant abandonné le régime de change fixe, la BCE pourrait suivre l’exemple de la Fed et de la Banque du Japon, qui toutes deux pratiquent à grande échelle l’art de la dévaluation indirecte du dollar et du yen, entrainant une surenchère de dévaluations compétitives. Mais cela est a priori interdit à la BCE, dont les capacités de création monétaire ne peuvent aller jusqu’à financer la dette publique, son programme OMT d’achats sur le marché secondaire étant resté au stade de l’intention.
On tourne en rond, car la dévaluation interne a pour effet non seulement de créer de fortes tensions récessionnistes et déflationnistes, mais également de renforcer l’euro par rapport aux autres monnaies (la déflation renforce la monnaie, au contraire de l’inflation qui l’affaiblit), à l’opposé de ce qui améliorerait la compétitivité, venant s’ajouter aux efforts couronnés de succès de la Fed et de la Banque du Japon de déprécier le dollar et le yen, dont l’euro fait les frais.
Leurs interventions indirectes sur le marché des changes mettent en évidence que le système monétaire actuel est devenu une fiction : les banques centrales multiplient les interventions correctives à la fixation par le marché des parités monétaires. Attraper le diable par la queue impliquerait d’entamer sans attendre une réforme du SMI (système monétaire international), mais celle-ci ne pourra intervenir qu’à chaud, une fois approfondie la faiblesse américaine. Différer cette réforme et rechercher à tous prix une compétitivité accrue sur les marchés internationaux n’est pourtant pas la solution. Celle-ci est une condition nécessaire mais pas suffisante de la sortie d’une crise qui n’est pas seulement celle du système financier, mais du capitalisme financier tel qu’il a structuré le fonctionnement de l’économie.