Billet invité.
Aux États-Unis, en Italie et au Portugal, trois crises politiques s’affichent simultanément, témoignant combien cet échelon de « crise » est atteint. Rien à voir entre elles, en raison de la diversité de leur contexte, si ce n’est leur intensité et, surtout, leur portée.
Les dirigeants politiques poursuivent leur course dans le vide, suspendus au sort de Silvio Berlusconi, alors que tous les signaux d’alarme ont été tirés à propos de la situation des banques du pays. Troisième puissance économique de la zone euro, l’Italie ne peut pas de ce point de vue être cataloguée parmi ces pays périphériques abandonnés à leur sort. Jean-Claude Junker, l’ancien président de l’Eurogroupe, résumait hier ce que la Grèce pouvait pour sa part attendre : « Dire aux Grecs que quoi qu’il advienne ils auront une aide, ce n’est pas un bon signal. Dire à nos compatriotes que quoi qu’il advienne les Grecs n’auront plus un sou, c’est contreproductif. Il faut savoir silence garder »…
Mais que dire aux Italiens dont les grandes entreprises sont vendues au rabais, leurs PME mendient le crédit et leurs banques et compagnies d’assurance regorgent de titres de la dette publique qui se dévalorise quand son taux augmente ? Les banques de la zone euro, au premier chef les françaises qui en étaient gorgées, se sont délestées de ces titres qui leur brûlaient les doigts, anticipant un dérapage et des pertes, faisant de l’Italie l’exemple à venir, mais qui se rapproche considérablement, d’une implosion, cette explosion vers l’intérieur. La BCE, qui a accepté en garantie les mêmes titres enregistrera les pertes qu’elle a jusqu’à maintenant su éviter avec les titres de la dette grecque. Si l’Italie devait à son tour tomber dans le trou, c’est toute l’Europe qui menacerait d’y tomber.
La coalition gouvernementale portugaise va connaître un second fort coup de semonce, à l’occasion des élections municipales qui se tiennent aujourd’hui, faisant suite à la crise qui l’a secouée. Le premier ministre socialiste Antonio Gutteres avait jeté l’éponge à la suite de sa claque électorale de 2001, mais ce geste ne sera pas réédité : Pedro Passos Coelho, le premier ministre du PSD, a annoncé par avance : « la vie du gouvernement ne dépend pas du résultat de ces élections ». La multiplication de candidatures « indépendantes » sans investiture ni soutien des partis gouvernementaux, membres de la coalition ou socialiste de l’opposition, s’annonce déjà être le plus significatif, sans même attendre le vote et ses résultats. Les socialistes ne sont crédités dans les sondages par aucune progression importante en nombre de voix et de mairies gagnées, alors qu’ils ont toutes les chances de gagner par défaut les législatives de 2014 et de revenir aux affaires.
La énième crise du déplafonnement de la dette américaine va atteindre son paroxysme en début de semaine, les commentateurs partagés entre l’idée que tout va s’arranger comme à l’habitude et que cette fois-ci c’est différent. La droite républicaine, aussi folle que les ministres démissionnaires de Berlusconi, applaudit à la « fermeture de l’État » dont elle rêve. Cette épreuve de force est simultanée avec l’entrée en vigueur de l’« Obamacare » qui va permettre à des millions d’Américains d’accéder à des plans de santé subventionnés, une mesure qualifiée de « socialisation » de la santé par les républicains qui cherchent à la bloquer à n’importe quel prix. Les États-Unis sont traversés par de grands débats portant sur des délires idéologiques, alors que les fonctionnaires fédéraux sont menacés de chômage technique, faute de pouvoir les payer, ainsi même que l’armée, une mesure que les républicains peuvent très difficilement assumer. Wall Street s’inquiète pour sa part des répercussions d’un blocage qui se poursuivrait sur une activité économique fragile. La question serait-elle résolue que la fuite en avant de l’endettement américain se poursuivrait, dans le contexte de la hausse des taux d’intérêt que l’annonce de la Fed a déjà suscitée, qui surenchérit cet endettement.
Outre leur grande portée, les crises politiques en cours ont une seconde caractéristique commune : elles ne débouchent pas sur des solutions de pouvoir conduisant à un changement de politique. C’est en cela qu’elles sont les plus problématiques.